Qu’est-ce que le géo-nationalisme?
Communication présentée dans
le cadre du colloque « Les sens du territoire »,
6 mai 2013, Université
Laval
Le nationalisme est un phénomène
sociopolitique protéiforme qu’on distingue parfois en deux principaux courants.
D’une part, le nationalisme identitaire repose sur la communauté constitutive,
qui renvoie à la mémoire du passé, la langue, la culture commune, etc. D’autre
part, le nationalisme civique insiste plutôt sur la communauté associative, qui
conçoit la nation comme une union contractuelle, un consentement partagé qui
doit être sans cesse renouvelé. Ces deux conceptions, à la fois complémentaires
et antagonistes, présentent néanmoins quelques difficultés. Le nationalisme
ethnique comporte certaines tendances essentialistes et exclusivistes, tandis
que le nationalisme civique reste relativement trop abstrait et déraciné du
monde vécu.
Si ces deux visions insistent tour à tour
sur les dimensions culturelles et politiques du nationalisme, elles oublient
pourtant un élément essentiel : le territoire. Cet article esquissera les
contours d’une troisième voie, le géo-nationalisme, qui considère le milieu comme le principal vecteur de
l’identité collective. Le milieu signifie à la fois le territoire et le lieu
des activités, par opposition à l’espace abstrait ; c’est le monde tel qu’il
est habité. Après avoir présenté les fondements théoriques du géo-nationalisme
à l’aide de certains exemples issus du contexte québécois, nous analyserons
différentes implications normatives de cette approche, permettant de jeter un
nouvel éclairage sur les enjeux politiques actuels.
Le nationalisme identitaire
Le premier type de nationalisme, que nous
pouvons faire remonter à la pensée du philosophe, poète et théologien Herder, conçoit le noyau de
l’identité dans le Volksgeist, l’âme
du peuple. Que ce soit par le biais du sang, de la langue ou du sol, l’homme
parachèverait son existence par la transmission d’une culture héritée des
Ancêtres. Autrement dit, le socle de l’appartenance collective serait d’abord
la communauté historique qui assure la préservation de l’identité nationale. Le
nationalisme identitaire, pour ne pas dire ethnique ou romantique, est l’une
des voies préconisées par les nationalistes québécois aujourd’hui. Elle
s’incarnerait dans l’Histoire (mémoire du passé), la culture unitaire et la
résistance contre les forces dissolvantes de l’identité, que ce soit la gauche
multiculturelle, l’idéologie libertarienne individualiste, ou encore la menace
islamiste. Mathieu Bock-Côté et le groupe Génération nationale illustrent bien
cette forme de nationalisme identitaire et conservateur.
La première objection que nous pouvons faire à
ce type de nationalisme concerne son essentialisme. Il définirait un noyau
stable de traits culturels et de valeurs partagées par tous les membres d’un
même groupe, en formant une sorte d’Esprit collectif qu’il s’agirait de chérir
et de conserver. Si l’histoire est toujours matière à débat et qu’une
définition de l’unité nationale dépend d’une certaine interprétation des
événements passés, alors le fondement du nationalisme risque de reposer sur un
mythe, voire une création idéologique. Par exemple, la relecture de la
Révolution tranquille proposée par Mathieu Bock-Côté est peut-être intéressante,
mais ne permet pas de définir la vérité ou l’essence du peuple québécois.
Deuxièmement, le nationalisme identitaire est exclusif,
car il fait reposer la nation sur les membres de la communauté historique, la
majorité canadienne-française. Les nouveaux arrivants auraient l’obligation
d’adhérer à cette culture majoritaire, sous peine de présenter une menace pour
la préservation de l’identité nationale. Bien que la question de l’intégration
soit complexe, celle-ci se situe à plusieurs niveaux : économique,
civique, linguistique, culturel, etc. Si nous acceptons les prémisses du
nationalisme identitaire, les immigrants n’auraient pas seulement l’obligation
de s’intégrer au marché du travail et d’utiliser le français comme langue
publique, mais de partager la culture de la société d’accueil, c’est-à-dire
d’être assimilés. Si nous endossons les principes du pluralisme moral, une
telle conception ne peut être acceptée.
Troisièmement, le nationalisme identitaire est
confronté au problème de la complexité. Depuis la Révolution tranquille et la
modernisation de la société québécoise, la solidarité ne repose plus sur la
communauté constitutive ou des traits de ressemblances (solidarité mécanique, mode
de reproduction culturel-symbolique de la société), mais sur l’interdépendance
économique et des institutions communes (solidarité organique, mode de
reproduction politico-institutionnel de la société). La culture unitaire ne
peut plus représenter le seul socle de l’identité collective, car celle-ci se
fragmente en multiples appartenances familiales, fraternelles, associatives et
contre-culturelles, qui sont également traversées par des divisions de classes,
ethniques, sexuelles, etc. C’est pourquoi l’essentialisme, l’exclusivisme et le
simplisme du nationalisme identitaire font en sorte que ce discours est au
mieux vain, au pire pernicieux.
Le nationalisme civique
Le deuxième type de nationalisme, préconisé
par Ernest Renan, conçoit la nation comme « un plébiscite de tous les
jours », une appartenance collective qui doit être sans cesse reconduite.
« Ce qui constitue une nation, ce n'est pas de parler la même langue, ou d'appartenir
à un groupe ethnographique commun, c'est d'avoir fait ensemble de grandes
choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l'avenir. » (Qu’est-ce qu’une nation? 1882) Ce
nationalisme civique est actuellement la doctrine plus ou moins implicite de
Québec Solidaire, qui ne nie pas l’importance de la culture, mais les replace
dans un grand processus sociohistorique en construction.
« Pour Québec solidaire, la nation du Québec se définit
non seulement par une histoire passée, mais aussi parce que cette nation est
aujourd’hui ainsi que par les faits et les gestes qu’elle pose ici et
maintenant. Elle n’est donc pas seulement une cristallisation d’événements
passés, un "morceau d’histoire solidifié", mais aussi et en même
temps le produit d’un processus inachevé. C’est la raison pour
laquelle la nationalité québécoise doit être définie essentiellement par le
fait de vivre au sein d’une même nation et de participer à la vie de la
collectivité qu’elle incarne. La nation québécoise se reconnaît déjà elle-même
comme diversifiée aux plans ethnique et culturel, avec le français comme langue
commune d’usage ainsi que facteur d’intégration. Elle se définit par l’histoire
propre de la communauté francophone, mais transformée peu à peu par
l’intégration successive d’éléments provenant d’autres communautés. La nation
québécoise est donc ouverte aux apports extérieurs puisqu’elle ne repose pas
sur l’origine ethnique, mais sur l’adhésion volontaire à la communauté
politique québécoise. »
Autrement dit, le nationalisme civique ne
considère pas la culture comme le cœur de la nation, mais replace celle-ci dans
la sphère politique, qui doit être le foyer principal de l’appartenance
collective. Loin de privilégier une ethnie particulière, il privilégie le
dialogue, le pluralisme et l’appartenance commune à un avenir qu’il s’agit
d’abord de construire, par un projet de société par exemple.
La première objection que nous pouvons
faire à ce type de nationalisme réside dans le fait qu’il repose sur une
solidarité faible ou organique au sens de Durkheim. Cette solidarité dépend de
l’interdépendance économique (division sociale et fonctionnelle du travail) et de médiations
impersonnelles comme le droit, l’argent, l’administration étatique, etc. Elle
donc relativement déracinée de la culture et des traditions, et davantage
ancrée dans un volontarisme civique reposant sur la participation aux
institutions de la communauté politique. Le problème est qu'en l’absence d’un
intérêt marqué et persistant pour le Bien commun, ce qui est le cas dans une
démocratie libérale et une société de marché comme la nôtre, le sentiment
d’appartenance nationale sera du même coup affaibli. Autrement dit, en
l’absence d’une citoyenneté active et de mouvements sociaux qui permettent
d’éviter la sclérose des institutions, la société sera confrontée à une crise
d’identité.
La deuxième objection renvoie à la
conception abstraite de la citoyenneté supposée par le nationalisme civique.
L’individu est considéré comme un être économique mû par ses intérêts et/ou un
être politique porteur de droits et de responsabilités, mais il demeure en
quelque sorte extérieur à la société à laquelle il adhère sur une base
volontaire. L’identité collective ou la Nation n’a pas de réalité par
elle-même, mais se réduit à un ensemble de valeurs générales comme la langue
française, l’égalité hommes-femmes ou la laïcité garanties par une
Constitution. Or, les valeurs concrètes d’une nation ne peuvent pas être créées
par l’État, et encore moins comprises dans une forme juridique de protection de
droits individuels. La loi 101 ne représente qu’une règle normative, et non une règle constitutive
de la langue québécoise qui existe d’abord à travers les pratiques vivantes du
peuple. De l’abstrait ne peut naître le concret.
Entre les racines de l’Histoire et le
lent déracinement de la modernité, il ne saurait y avoir une simple
juxtaposition de deux nationalismes antagonistes. Ni l’un ni l’autre ne
constitue une solution satisfaisante, car chacune demeure partielle. Le
nationalisme identitaire est trop culturel, moral ou dépolitisé, amenuisant les
différences au nom d’une communauté constitutive qui serait d’emblée solidaire.
De son côté, le nationalisme civique représente une forme politisée mais désincarnée,
postulant la solidarité comme un horizon d’égalité socioéconomique sans
s’assurer des conditions matérielles et culturelles de sa réalisation. L’homme
serait d’abord un être économique et politisé (homme productif et rationnel),
avant d’être une créature vivant dans des espaces de réciprocité. La gauche comme
la droite ont oublié le lieu de
l’homme, tandis que le romantisme ethnique homogénéise l’histoire en délaissant
les minorités et la pluralité constitutives du tissu social. Les deux
nationalismes hypostasient à leur manière le passé ou l’avenir, sans penser les
conditions spatiales et matérielles de cette temporalité brisée. C’est pourquoi
nous proposons un détour par le biais d’un élément majeur, mais généralement
oublié : le territoire.
Le
géo-nationalisme
Évidemment, il peut sembler excentrique
de vouloir fonder la question nationale sur la géographie. Dans son livre Qu’est-ce qu’une nation?, Ernest Renan
examine différentes pistes comme la race, la langue, la religion et la
communauté des intérêts, qu’il considère toutes comme des bases insuffisantes
pour la construction du nationalisme. Il en va de même pour le territoire, qui
joue un rôle important mais arbitraire dans le découpage de la nation.
« La géographie, ce qu'on appelle les
frontières naturelles, a certainement une part considérable dans la division
des nations. La géographie est un des facteurs
essentiels de l'histoire. Les rivières ont conduit les races ; les montagnes
les ont arrêtées. Les premières ont favorisé, les secondes ont limité les
mouvements historiques. Peut-on dire cependant, comme le croient certains
partis, que les limites d'une nation sont écrites sur la carte et que cette
nation a le droit de s'adjuger ce qui est nécessaire pour arrondir certains contours,
pour atteindre telle montagne, telle rivière, à laquelle on prête une sorte de
faculté limitante à priori ? Je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni
plus funeste. Avec cela, on justifie toutes les violences. »
En effet, si nous basons le nationalisme
sur les revendications territoriales, c’est-à-dire sur la question des
frontières, des annexions et de la séparation entre l’intérieur et l’extérieur
de l’État-nation, la géographie représente un critère douteux. Nous pouvons
penser à certains groupes comme le parti d’extrême-droite Aube Doré en Grèce, qui
revendique des territoires comme l’Épire du Nord, Chypre et une partie de la
mer d’Égée. Or, le caractère réactionnaire voire fasciste de ce nationalisme
découle du fait qu’il est basé sur des thèmes xénophobes, natalistes,
et le « droit du sang ». À l’inverse, le
géo-nationalisme serait basé exclusivement sur le « droit du sol »,
afin de permettre à tous les nouveaux arrivants de faire partie de la nation
québécoise.
Par ailleurs, le terme territoire est
polysémique, car il peut renvoyer à l’idée de région, contrée, province,
voisinage de la ville, ou à une zone politico-administrative. Afin de préciser
brièvement cette notion, nous empruntons la définition de Bernard Debardieux
dans le dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (2003) :
« Le territoire est un agencement
de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions
pratiques de l'existence d'un individu ou d'un collectif social et d'informer
en retour cet individu ou ce collectif sur sa propre identité ».
Le territoire ne renvoie donc pas à
l’espace d’une carte géographique, à la configuration du sol ou aux frontières des
écosystèmes, mais à l’espace approprié par une communauté humaine. Elle fait
intervenir l’identification culturelle et l’activité matérielle, la
représentation symbolique et les processus d’interactions entre l’humain et la
nature. Par géo-nationalisme, il faut entendre l’idée selon laquelle le milieu constitue
le vecteur principal de l’identité collective. Le milieu signifie à la fois le
territoire et le lieu des activités, par opposition à l’espace abstrait ; c’est
le monde tel qu’il est habité, c’est-à-dire l’espace vécu. Cette définition
renvoie moins à la géographie politique et la question de l’État, qu’à la
géographie culturelle et les interactions de la société civile. Si nous
considérons le territoire comme une portion humanisée de la surface terrestre,
alors cette conception demeure compatible avec l’idée d’Ernest Renan :
« Non, ce n'est pas la terre plus que la race
qui fait une nation. La terre fournit le substratum,
le champ de la lutte et du travail ; l'homme fournit l'âme. L'homme est tout
dans la formation de cette chose sacrée qu'on appelle un peuple. Rien de
matériel n'y suffit. Une nation est un principe spirituel, résultant des
complications profondes de l'histoire, une famille spirituelle, non un groupe
déterminé par la configuration du sol. »
Exemple
québécois
En quoi le géo-nationalisme est-il
pertinent pour analyser le contexte québécois? Tout d’abord, si nous regardons
l’œuvre du cinéaste et poète Pierre Perrault, l’identité québécoise semble
indissociable d’un travail de découverte, d’exploration, de défrichement du
territoire. Que ce soit la condition insulaire des habitants de L’Île-aux-Coudres
(Pour la suite du monde, 1963), les difficultés des agriculteurs abitibiens, les
chasseurs d’orignaux ou les montagnais de la Côte-Nord, toutes ces communautés
nous témoignent d’expériences riches et profondément divergentes. Même dans son
film Un pays sans bon sens ! (1970) qui
porte sur la question nationale et le vif débat sur l’indépendance, Perrault
nous montre les contradictions et l’incertitude irréductible qui entoure
l’identité québécoise. Il ne s’agit pas de nier une culture commune, mais de
reconnaître son caractère fondamentalement pluriel. La diversité géographique
et culturelle constitue un trait essentiel de l’identité nationale, et vouloir
la résumer par une essence unitaire et homogène équivaudrait à la nier de facto. Le géo-nationalisme permet donc
de mettre en valeur la dimension culturelle de la nation québécoise, tout en
évitant les dérives conservatrices, essentialistes et exclusivistes du
nationalisme identitaire.
Ensuite, le géo-nationalisme insiste sur
les activités humaines qui permettent de nouer un rapport d’appartenance avec
la communauté et l’environnement. Sur le plan économique, il soutient la
relocalisation de l’économie, l’agriculture paysanne, le terroir, l’économie
sociale et coopérative qui permettent de redonner des finalités sociales et
écologiques au système de production, de distribution et de consommation. Cette
démocratisation de l’économie va de pair avec une attention particulière aux espaces
concrets de participation, le milieu communautaire et associatif, les espaces
publics de proximité, bref tout ce qui permet de renforcer la société civile
afin qu’elle devienne un contre-pouvoir efficace contre la domination du marché et de l’État.
Si le phénomène politique se définit
comme une tension irréductible entre les aspirations individuelles et collectives
et la nécessité d’établir des institutions communes, nous ne pouvons pas
insister uniquement sur la souveraineté de l’État québécois. Bien que
l’indépendance soit absolument nécessaire à la lutte de libération nationale,
l’identité plurielle de la nation québécoise ne pourra s’épanouir sans une
décentralisation importante, que ce soit par le renforcement des régions et la
démocratie municipale. Sur le plan politique, le géo-nationalisme permet de
mettre l’accent sur les conditions matérielles de la vie associative tout en
limitant l’effet centralisateur et unitaire de l’État généralement associé au
nationalisme civique.
Enfin, l’identité territoriale constitue
un outil conceptuel essentiel à la critique sociale du modèle de développement
dominant. Qui d’entre nous a déjà remarqué les effets massifs de l’étalement
urbain, la construction des centres commerciaux le long des autoroutes, la
dévitalisation des villages, les dangers de l’exploitation des gaz de schiste,
le quartier rasé par le projet de mine à ciel ouvert d’Osisko dans la ville de
Malartic ? Toutes ces problématiques sont indissociablement sociales,
économiques, politiques, culturelles, environnementales et territoriales. Ne
sont-ce pas là des exemples flagrants d’agressions contre l’identité
collective, le pillage effronté des ressources morales et naturelles du peuple
québécois? La dure réalité des autochtones n’est-elle pas également liée à leur
condition de déracinement, à la fragilité de leur culture et à la colonisation de
leur territoire qu’ils ne possèdent pas, mais auquel ils se sentent appartenir?
Retour
à Gramsci
Pour terminer, le géo-nationalisme peut
sembler représenter une forme de romantisme agraire, une volonté de revenir à
une économie villageoise, une sorte de communautarisme idyllique
renouvelé par le discours de la décroissance. Afin d’éviter cette
interprétation du géo-nationalisme, qui semble le faire reposer sur le
socialisme utopique de Charles Fourier, Robert Owen et William Morris, j’aimerais
apporter une tournure critique et marxiste à cette hypothèse de recherche. Je terminé donc cette analyse en invoquant la pensée d’Antonio Gramsci, qui insiste sur la
contextualisation et la nationalisation de la lutte des classes.
Pour Gramsci, la révolution sociale
devait sérieusement prendre en compte la division territoriale de l’Italie au
début du XXe siècle, qui séparait le Nord industrialisé et le Sud
(Mezzogiorno), largement agricole. La bourgeoisie septentrionale représentait
la classe dominante qui exploitait le prolétariat du Nord, avec la complicité
des propriétaires terriens du Sud qui exploitait les masses paysannes. L’enjeu
était donc de former une alliance entre les ouvriers révolutionnaires et la paysannerie
du Mezzogiorno, afin de renverser la nouvelle bourgeoisie industrielle et l'ancienne aristocratie
dans un même mouvement.
Si nous essayons de transposer ce schème
d’analyse sur le contexte québécois, nous pouvons essayer d’imaginer la manière
dont le prolétariat postindustriel de la métropole (le précariat montréalais)
pourrait former une alliance avec les habitant-es des régions, afin de lutter
contre l’oligarchie financière cosmopolite d’une part, et les grands
propriétaires terriens que sont les compagnies extractivistes (pétrolières,
gazières, minières) et les firmes multinationales d’autre part. Il faudrait
alors briser l’hégémonie conservatrice des médias de masse et des radio-poubelles
qui alimente la xénophobie entre Montréal et les régions, tout en organisant un
réseau d’assemblées citoyennes sur l’ensemble du territoire québécois afin de
préparer le projet d’indépendance populaire.
La perspective de Gramsci permet d’opérer
une analyse de classe territorialisée, et de déceler les mécanismes de
l’hégémonie territoriale. Cette piste de recherche représente un tournant
géographique à l’analyse historico-critique de la culture québécoise, qui
permettrait peut-être de refonder la lutte d’émancipation nationale sur une
nouvelle base. Pour le géo-nationalisme, l’unité nationale et populaire ne sera
pas le fruit d’une identité mythique ou d’une citoyenneté abstraite, mais le
résultat d’un processus historique menant à la formation d’un nouveau bloc
social, une recomposition culturelle et territoriale du peuple québécois. La
défense du pays sera donc inextricablement sociale, politique et
environnementale, et devra miser sur une convergence des luttes menant à la
construction d’une nouvelle volonté collective, capable de renverser l’ordre
établi.
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