Des basculements à l'hypothèse de l'insurgence communale
Je viens de terminer l'excellent livre de Jérôme Baschet intitulé Basculements (La Découverte, 2021). Il y a de ces livres qu'on aimerait avoir écrit soi-même, mais qu'on apprécie d'autant mieux que d'autres l'aient fait avant nous, avec des intuitions convergentes et un style plus accessible au commun des mortels.
Je recommande ce petit ouvrage à toute personne taraudée par la question du "que faire?" face à la pandémie, la crise climatique, les reconfigurations du capitalisme et les nombreuses catastrophes à venir. Baschet a le mérite de proposer une vision stratégique ancrée dans une analyse fine de la conjoncture présente, en esquissant différents scénarios sociopolitiques à moyen et long terme: maintien du capitalisme fossile et exacerbation des inégalités, passage vers un "capitalisme vert" avec une demi-transition énergétique en partie bénéfique mais incapable de surmonter les contradictions du système basé sur la croissance et l'extractivisme, virages autoritaires couplés d'une consolidation du capitalisme algorithmique, mais aussi la possibilité de basculements favorables à l'émergence d'espaces (partiellement) libérés de la logique hiérarchique, coloniale et capitaliste.
La première contribution du livre réside dans la proposition d'utiliser l'idée de "basculements" pour décrire l'ère dans laquelle nous entrons. Au lieu de miser sur la notion d'effondrement qui évoque une trajectoire unique, mécanique et quasi-inéluctable - à la manière des prophéties de jadis sur l'effondrement du capitalisme s'écroulant par la dynamique immanente de ses contradictions internes, l'espoir révolutionnaire en moins - la notion de basculements évoque un monde profondément instable, marqué par de nombreux retournements, métamorphoses, incertitudes et accélérations historiques, pouvant mener à diverses régressions ou libérations potentielles. L'idée n'est pas de dire simplement que "tout est possible" ou encore que "tout ira pour le mieux", car le scénario des basculements implique une amplification d'une crise structurelle du capitalisme de longue durée qui déstabilisera assurément une multitude de sphères de la vie sociale. Mais les issues de cet entrecroisement complexe de crises restent largement incertaines, pouvant mener à l'apathie et la consolidation de régimes autoritaires, mais aussi à une série de soulèvements populaires, la création d'espaces libérés et de possibles transformations sociales de plus grande ampleur.
À ce titre, je crois que la gauche radicale et le mouvement écologiste, pour avoir une lecture plus réaliste mais aussi plus inspirante des potentialités de transformation au sein de la présente période historique, devraient abandonner les notions de "transition" (terme trop vague, lent et graduel, sans destination définie), d'effondrement (puissant psychologiquement, mais fataliste et unidirectionnel), ou de révolution (évoquant l'image du Grand Soir, soit un grand événement insurrectionnel et décisif, avec une prise du pouvoir en prime).
Mais Baschet ne fait pas que proposer le terme de "basculements" pour évoquer des mondes émergents et des possibles désirables; il propose une stratégie politique et une conception de la "vie bonne" pour esquisser les contours d'un projet de société émancipateur: le communalisme. S'inspirant de l'expérience de l'autonomie zapatiste qu'il étudie en profondeur depuis une vingtaine d'années, il tente de généraliser certaines idées au-delà de cette forme historique spécifique afin de montrer de possibles façons d'organiser une société postcapitaliste et postétatique, basée sur l'autogouvernement populaire et le confédéralisme démocratique. Il entre même dans le détail des pratiques et mécanismes démocratiques permettant d'assurer l'autonomie collective, c'est-à-dire une politique non étatique qui répudie la séparation traditionnelle entre gouvernants et gouvernés, sans pour autant tomber dans les pièges habituels de l'horizontalisme absolu.
Baschet donne à voir, de façon plus concrète et pragmatique que Murray Bookchin, ce que serait un "municipalisme libertaire" ou communalisme, allant bien au-delà des expériences municipalistes réformistes dans les villes du Nord global. Il critique notamment les pièges du localisme et pointe certains angles morts relatifs aux questions économiques (comment planifier l'économie, en fonction de quels besoins, quels mécanismes et quelles entités?) et politiques (comment éviter le repli sur soi, résoudre les tensions entre communes, articuler la prise de décisions à différents niveaux avec une délégation qui n'usurpe pas le pouvoir à nouveau?). Bref, loin de sombrer dans l'utopisme naïf ou l'angélisme, Baschet réfléchit à partir d'expérimentations collectives concrètes, en essayant de voir comment opérer un changement d'échelle de ces expériences historiques inspirantes mais isolées.
Par ailleurs, l'auteur aborde aussi les questions "anthropologique" et "éthique" pour esquisser une conception de l'être humain et une certaine vision du "bien vivre" adaptée à cette société postcapitaliste. Critique du naturalisme moderne, de l'individualisme et de l'universalisme abstrait des Lumières, il évite aussi les pièges du postmodernisme et de la critique conservatrice en développant une conception relationnelle des êtres humains, une vision ouverte et dynamique des traditions, de même que l'articulation entre les notions de communs, communes et communautés. Il propose ainsi une défense de ce qu'il appelle "l'existence communale", c'est-à-dire le fait que les individus naissent, vivent et s'épanouissent dans des communautés humaines concrètes, lesquelles sont ouvertes aux devenirs, à la pluralité des formes de vie, aux remises en question et expérimentations de toutes sortes. Baschet ne dit pas simplement qu'il faut transposer ou imiter les concepts de la Terre-Mère et du buen vivir (sumak kawsay) inspirés des cosmologies autochtones; mais il faut néanmoins rompre avec l'individualisme abstrait hérité de la modernité et se poser à nouveaux frais la question de la "vie bonne". L'auteur dialogue avec le principe du commun de Dardot et Laval, la communauté inessentielle d'Agamben, le "luxe communal" de Kristin Ross, et différents autres auteurs pour réfléchir à ce signifie une vie épanouie ancrée dans un "sens des lieux" et une solidarité incarnée dans des milieux de vie, traditions et territoires concrets.
Outre ces réflexions philosophiques qui semblent (en apparence) éloignées des considérations pratiques et urgentes du changement social, Baschet termine son livre par une "hypothèse stratégique en temps de crise". Il offre à mon avis l'une des discussions les plus riches et pertinentes du cadre conceptuel élaboré par le défunt sociologue Erik Olin Wright. Rappelons brièvement ce dont il est question: dans son livre Utopies réelles (La Découverte, 2017), Wright distingue l'approche du changement par rupture (révolutionnaire), l'approche symbiotique (réformes pour domestiquer le capitalisme), et l'approche de changement intersititiel (création d'organisations postcapitalistes dans les interstices du système actuel). Dans son dernier livre Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle (La Découverte, 2020), il ajoute aussi la stratégie des résistances (contestation des mouvements sociaux) et de même qu'une distinction supplémentaire entre écraser et démanteler le capitalisme.
Wright souligne qu'il est préférable de ne pas opposer ces stratégies comme des blocs mutuellement exclusifs, et qu'il est plus judicieux de les combiner au sein de configurations stratégiques. Or, ce que Wright préconise personnellement consiste en un rejet de l'approche par rupture (peu probable et potentiellement liberticide selon lui), en misant plutôt sur l'articulation de l'approche réformiste (symbiotique) avec le changement interstitiel pour ouvrir des espaces propices à la multiplication des "utopies réelles" et formes de vie non-capitalistes. Il défend donc une sorte de "réformisme radical" ou une "social-démocratie libertaire", ancrée dans une vision gradualiste du changement social (qu'il nomme l'érosion progressive du capitalisme), marqué par un temps long, linéaire et vide.
Par contraste, Baschet propose de resituer nos stratégies de transformation sociale dans la perspective d'une période historique instable, celle des basculements, où les petits changements interstitiels jumelés à des réformes institutionnelles ici et là ne devraient pas être abandonnées, mais resituée dans la perspective d'avancées plus rapides, imprévisibles et radicales. Il propose de renommer les interstices comme des "espaces libérés", qu'il s'agisse de micro-collectifs autogérés, d'organisations économiques plus larges, de zones à défendre (ZAD), de communes rebelles ou même de régions entières expérimentant l'autonomie collective (comme le Chiapas et le Rojava). Mais loin de se limiter à la simple multiplication des espaces libérés, ou à préconiser des îlots de résistance dans l'océan capitaliste et colonial actuel, il ajoute la nécessité d'articuler ces initiatives collectives à une approche supralocale plus conflictuelle.
Selon Baschet, il faut combiner l'approche des espaces libérés à celui des blocages et des soulèvements de grande ampleur. Loin de se limiter à des luttes territoriales, "on peut plutôt, sous la notion de blocage, associer des formes de lutte multiples: blocage de la production (par la grève ou l'occupation des installations), blocage des flux de circulation et d'information, blocage de la consommation, blocage de la reproduction sociale (par exemple, avec la grève scolaire, qui suspend le devoir de s'intégrer au monde de la destruction)." À ces blocages multiples s'ajoutent le besoin d'articuler de potentiels soulèvements (comme ceux de 2019 au Chili, Liban, Algérie, Hong Kong, etc.) dans une perspective de création d'assemblées locales autonomes, de récupération de certains moyens de production, de démantèlement d'infrastructures destructrices, etc. Cela rappelle le scénario d'une situation de "double pouvoir", c'est-à-dire une situation révolutionnaire qui n'est pas forcément synonyme de conquête du pouvoir d'État, mais plutôt de flottement entre les anciennes institutions en crise et l'émergence de nouvelles institutions (comme les conseils, les communes ou espaces libérés) qui pourraient se fédérer pour remplacer les institutions économiques et politiques existantes.
Baschet nomme cette configuration stratégique "l'insurgence communale", "un terme qui cherche à entrelacer l'émergence des mondes communaux, espaces libérés s'affirmant dans les interstices de la domination économique, et les moments d'intensification de la conflictualité, par l'extension du blocage généralisé des rouages de l'économie comme par la multiplication probable de soulèvements qui sont autant de sursauts pour tenter de sauver la possibilité d'une vie digne. L'hypothèse proposée ici allie stratégies interstitielles antagoniques et stratégies non étatiques de rupture - les deux interagissant dans une dynamique de crise structurelle."
Baschet n'écarte par d'emblée le besoin d'adopter des réformes radicales ici et là (stratégie symbiotique), mais il voit cela comme une tactique ou des moyens potentiellement utiles dans certaines circonstances, non comme une fin en soi. Les réformes sont de simples outils, et non le pilier ou le cœur d'une stratégie de transformation sociale, laquelle se fera davantage "par le bas" via l'auto-organisation populaire et communale, la création d'espaces libérés, le "faire-commun", la fédération des communes et des initiatives collectives.
Enfin, Baschet a la mérite d'entrer en dialogue avec d'autres perspectives révolutionnaires, comme celle de Frédéric Lordon, sans doute l'un des penseurs les plus influents de la gauche radicale en France actuellement. Alors que Lordon cherche à réhabiliter l'État, rejette les écueils de l'internationalisme abstrait et de l'horizontalisme, en proposant une stratégie de renversement brusque du capitalisme dans le sillage du marxisme révolutionnaire, Baschet répond de façon assez convaincante à plusieurs remarques et objections de Lordon quant aux potentialités d'une transformation sociale non-étatique, basée sur la démocratie, l'autonomie et le bien vivre, mais aussi sur une bonne de radicalité, de pragmatisme et de conflictualité politique.
Bref, je crois que les vieux débats du XIXe siècle opposant les marxistes étatistes aux anarchistes (dont Proudhon, Bakounine, Kropotkine), se rejouent encore aujourd'hui, avec des nuances et nouveaux paramètres bien sûr (notamment la crise climatique). D'un côté, il y a des auteurs comme Frédéric Lordon et Andreas Malm qui misent une forme de "néo-léninisme", appelant à la radicalisation des mouvements sociaux, une sortie rapide du capitalisme par l'expropriation des grandes puissances capitalistes, la réhabilitation de l'échelle nationale et la prise du pouvoir d'État comme question stratégique centrale. D'un autre côté, il y a des gens comme Pierre Dardot, Christian Laval, Murray Bookchin, Jérôme Baschet et d'autres qui privilégient la critique radicale de la souveraineté d'État, l'auto-organisation locale, la multiplication des communs et des communes, puis la confédération de ces contre-institutions à l'échelle supralocale, nationale et transnationale. À mon sens, Baschet incarne aujourd'hui "l'anti-Lordon", ou du moins la critique la plus pertinente et concrète de l'hypothèse étatiste, qu'il déconstruit notamment de façon admirable dans son article Frédéric Lordon au Chiapas publié dans la revue Ballast.
Pour terminer, comment je me situe par rapport à tout ça? J'avoue avoir été charmé par les analyses, intuitions et hypothèses de Baschet, et par la notion de basculements qui me semble très riche pour envisager une diversité d'actions collectives et de scénarios possibles à court, moyen et long terme. Étant déjà adepte du municipalisme depuis une dizaine d'années, l'auteur n'a pas eu à me convaincre de la nécessité de miser sur l'action locale et municipale. Néanmoins, je réalise de plus en plus que l'option que je privilégiais jusqu'à maintenant, celui d'un municipalisme réformiste axé sur l'arène institutionnelle et la scène électorale, reste largement insuffisant. Sans me faire d'immenses espoirs (qui risquent ensuite de se transformer en autant de désillusions), je crois que la Vague écologiste au municipal récemment lancée au Québec et d'autres initiatives municipalistes ailleurs dans le monde constituent déjà différentes expériences concrètes, des innovations sociales à ne pas négliger, et des "moyens d'infiltration" des lieux de pouvoir pour favoriser des changements plus significatifs lorsque certains basculements surviendront.
Par contre, j'avoue de moins en moins croire en la possibilité d'un grand changement social "par le haut", c'est-à-dire par le biais d'une victoire électorale d'un parti de gauche radicale à l'échelle provinciale ou fédérale. Si un tel scénario survient un jour, c'est parce qu'il y aura déjà eu une série de basculements majeurs, d'espaces libérés, de blocages et de soulèvements massifs, bref les germes d'une "existence communale" qui préfigurera déjà certains dimensions d'une société postcapitaliste et postétatique. Bref, je ne crois pas qu'il y a aura une victoire électorale "à froid", ou que le cœur d'une stratégie politique radicale devrait résider dans l'action électorale, que ce soit à l'échelle fédérale, provinciale et même municipale. En cela, je m'inscris de plus en plus en faux avec la stratégie du populisme de gauche et le marxisme traditionnel, que ce soit sous les versions Podemos, Mélenchon, Corbyn, Sanders ou le magazine Jacobin.
Certes, on peut utiliser les élections comme des moments politiques et des opportunités pour amener des idées plus "radicales", déplacer la fenêtre d'Overton, critiquer les puissances établies, diffuser plus largement un contre-discours, et obtenir quelques petites victoires ici et là qui offriront des interstices de changement dans l'appareil institutionnel existant. Mais plus le temps passe, plus la crise climatique s'aggrave, plus je doute fort que des changements majeurs surgiront par cette voie.
Paradoxalement, bien que le scénario de "l'insurgence communale" semble encore plus éloigné que celui d'une victoire électorale d'un parti de gauche (en termes d'horizon temporel et de faisabilité), je crois néanmoins que des composantes de l'insurgence communale surgissent déjà dans différentes régions du monde, et que les basculements à venir ne feront d'amplifier la nécessité de s'auto-organiser et "d'agir par nous-mêmes", comme le disait Kropotkine. Qui plus est, il est essentiel d'offrir une autre voie, à la fois pragmatique et radicale, pour répondre aux menaces de probables virages autoritaires, que ceux-ci prennent la forme d'un durcissement et d'une prolongation indéterminée de l'état d'urgence au nom de la crise sanitaire, du capitalisme algorithmique à la chinoise, de la victoire de partis d'extrême droite, ou même de l'arrivée au pouvoir de socialistes autoritaires convaincus par les vertus de l'éco-lénininisme ou des méthodes dures à la Lordon. Nous devons donc offrir une réponse démocratique et humaniste à ces tentations autoritaires, en promouvant une vision du monde centrée sur l'autonomie collective, le respect du vivant, des pratiques d'entraide et la vie bonne, afin de ne pas nous enfermer dans le repli sur soi, la peur, l'éco-anxiété, le survivalisme indidividualiste, ou encore de petits îlots de radicaux puristes.
Heureusement pour nous, il reste encore des auteurs comme Jérôme Baschet pour garder le cap sur des perspectives émancipatrices, et ce malgré les profonds bouleversements de notre époque et l'horizon d'un monde qui court toujours plus vers la catastrophe. Voici quelques phrases qu'il nous offre en guise de conclusion:
"Pour l'heure, l'approfondissement des dynamiques capitalistes se poursuit, selon diverses modalités entrant en concurrence les unes avec les autres. Le capitalisme ne s'effondrera pas de lui-même, mais une dynamique de crise structurelle ouvre à des basculements possibles. Déjà, des mondes émergents et désirables se déploient dans les interstices de l'univers marchand. L'insurgence des mondes communaux, ces mondes du faire-commun, est en cours. Elle est le déploiement d'une hypothèse communale - aspiration à une vie bonne pour toutes et tous, dans le nouage d'une existence qui se construit dans les lieux mêmes de l'expérience et d'une condition planétaire partagée par la communauté de tous les Terrestres. Il s'agit de contribuer à cette insurgence communale de toutes nos forces, à la fois dans les processus présents de construction et de blocage, et dans l'anticipation des moments de basculement, qui permettraient le plein déploiement d'un monde où il y ait de la place pour les multiples monde du faire-commun et du bien-vivre pour toutes et tous.
Ici, nulle épopée à rejouer, seulement le frein d'urgence à actionner. Nul Éden à l'horizon, seulement quotidienneté d'une vie en plénitude. Nul triomphe sur la mort, seulement la fragilité du vivant à cultiver."
Bonjour Jonathan,
RépondreSupprimerC’est un peu par hasard que je suis tombé sur ta critique du dernier livre de Jérôme Baschet (que j’ai lu aussi), un auteur que je lis depuis quelques années déjà et qui m’apporte de l’eau au moulin sur les perspectives du communalisme (municipalisme libertaire), à partir du cheminement des zapatistes.
Ton analyse m’apparaît assez juste. Je retiens toutefois le passage suivant (il y a en a d’autres intéressants) « Néanmoins, je réalise de plus en plus que l'option que je privilégiais jusqu'à maintenant, celui d'un municipalisme réformiste axé sur l'arène institutionnelle et la scène électorale, reste largement insuffisante. Sans me faire d'immenses espoirs (qui risquent ensuite de se transformer en autant de désillusions), je crois que la Vague écologiste au municipal récemment lancée au Québec et d'autres initiatives municipalistes ailleurs dans le monde constituent déjà différentes expériences concrètes, des innovations sociales à ne pas négliger, et des "moyens d'infiltration" des lieux de pouvoir pour favoriser des changements plus significatifs lorsque certains basculements surviendront. », comme étant un questionnement pour aller au-delà du réformisme. Dans ce sens, il m’apparaît que le « municipalisme » demeure, quelques soient les réussites électorales (Barcelone ou autre) un cul-de-sac au sens où one peut pas aller plus loin que l’obtention de quelques réformes. Le RCM (que j’ai vécu de l’intérieur) est à ce propos très instructif. Bref, où se situe la ligne non linéaire, où on crée des ruptures avec l’institution capitaliste. C’est un de mes points de recherche depuis plus de 25 ans et c’est pourquoi l’option communaliste ou municipalisme libertaire reste encore la voie la plus intéressante mais aussi la plus difficile à explorer, surtout parce qu’elle implique « le temps long ».
Actuellement, j’ai de forts doutes que la « Vague écologiste au municipal » sorte de cet enfermement de l’institution étatique, tout simplement parce que le niveau de compréhension sur les ramifications de l’État (la structure de pouvoir municipal y est intégré) et de politisation reste plutôt faible au Québec. Justement hier, je répondais à un ami d’un village me demandant s’il était pertinent de se lancer dans une course à la mairie parce que le maire (autoritaire ) ne voulait rien savoir d’une pétition citoyenne pour l’obtention d’un centre communautaire. Un des problèmes de base qui revient constamment est qu’on veut brûler les étapes plutôt que de construire un mouvement social susceptible d’offrir à moyen terme une proposition collective de gestion du Commun, la gestion collective et politique d’un village par exemple. Je pense que l’expérience zapatiste a compris que pour sortir de la logique capitaliste, il faut construire l’autonomie et ses propres institutions, ça des airs du communalisme à la sauce zapatiste.
Au plaisir d’en discuter plus longuement un de ces jours,
Marcel