Vers une alliance PQ-CAQ?
Dans un texte d’avril 2013 qui proposait une analyse
gramscienne du rôle des intellectuels et la reconfiguration idéologique des
partis, j’évoquais l’hypothèse d’une éventuelle convergence du Parti québécois
et de la Coalition Avenir Québec. Loin de représenter une spéculation
excentrique, de nouveaux signes sur la scène politique québécoise commencent à
corroborer ce pronostic. Ce qui à l’époque demeurait un monde possible lointain
s’avère un scénario de plus en plus probable qui pourrait se concrétiser dans
un avenir rapproché. Cet article vise à faire la démonstration qu’une alliance
entre le PQ et la CAQ est non seulement possible, mais réalisable dans la
conjoncture actuelle, notamment à cause du rôle clé de Pierre Karl Péladeau
dans la création d’un nouveau bloc historique. Comme le rappelle Simon-Pierre
Savard-Tremblay (SPST), l’analyse des structures socioéconomiques ne doit
évacuer la fonction déterminante des acteurs dans les contextes de crise et de
désarroi idéologique.
« Il
est de bon ton de marteler que les individus ont un poids bien faible à
l’échelle de l’histoire, contrairement aux facteurs lourds et aux déterminismes
de toutes sortes à qui on prête des facultés démiurgiques. Pourtant, les
acteurs s’investissent au sein de l’espace politique pour en définir les
contenus et les contours. Chacun souhaite définir la problématique centrale de
cet espace : c’est le propre même de la logique politique que d’espérer y
imposer les thèmes centraux de son agenda. Il est dès lors d’autant plus
fondamental d’étudier les acteurs au cours des périodes névralgiques où le
paradigme politique est en redéfinition. […] Il est trop tôt pour juger si
Pierre Karl Péladeau bouleversera le système politique québécois et mènera le
Québec vers un nouveau cycle. Il n’est cependant pas ardu de constater qu’il
est en position pour le faire, qu’il peut potentiellement bouleverser le jeu et
que plusieurs en ont une peur bleue. S’il est impossible de prédire s’il
s’agira d’un pétard mouillé, il est tout aussi impossible de prétendre avec
certitude que les structures actuelles de l’espace public demeureront indemnes. » [1]
La caquisation comme vecteur du bloc
historique
Avant d’entamer l’analyse précise de la fonction actuelle de PKP dans le paysage
politique québécois, rappelons quelques objectifs stratégiques que poursuivait
le PQ en le nommant à la tête du conseil d’administration d’Hydro-Québec en
avril 2013, puis en annonçant sa candidature lors campagne électorale de
2014 : 1) assurer une couverture médiatique favorable au PQ auprès des
classes moyennes conservatrices grâce à la convergence médiatique, économique
et parlementaire ; 2) percer le bastion de la
ville de Québec en favorisant une articulation organique entre le maire
Labeaume/PKP/PQ, dont le cœur est représenté par le nouveau phare de l’industrie
culturelle québécoise, l’amphithéâtre Quebecor ; 3)
opérer la caquisation du PQ, comme le souligne Pierre Dubuc
dans son article sur la « berlusconisation
du Parti québécois ».
« Dans les cercles souverainistes et
progressistes, on attribue le fait que le gouvernement soit minoritaire à la
division du vote entre le Parti Québécois, Québec solidaire et Option
nationale, et on parle de « convergence nationale », d’alliance
électorale en vue du prochain scrutin. Mais, dans l’entourage de la direction
du Parti Québécois, on entend un autre discours. Le PQ est minoritaire, dit-on,
à cause de son virage à gauche, de son appui à la lutte étudiante. Parlez
aujourd’hui à un ministre péquiste et il vous expliquera comment tous ses
projets de loi sont conçus pour aller chercher l’appui de la CAQ. Les
politiques du Parti Québécois ont d’ailleurs une forte odeur caquiste :
pensons à l’objectif du déficit zéro, les compressions dans les commissions scolaires,
les suppressions de poste à Hydro-Québec, les coupures à l’aide sociale. Tout
est conçu pour plaire à l’électorat caquiste. Avec la CAQ qui ne décolle pas
dans les sondages et le rapprochement entre le PQ-PKP, faudrait peut-être
envisager la possibilité d’une alliance entre le PQ et la CAQ comme plus probable
qu’une alliance PQ-QS-ON ! » [2]
Ce n’est pas un hasard si le principal potentiel de
croissance électorale du PQ est à droite de l’échiquier politique (classes
moyennes conservatrices et petite bourgeoisie nationale), comme l’a bien montré
Philippe Brisson de la firme de conseil stratégique STRATEGEUM lors de son
discours au congrès de la Convergence nationale en mai 2013. Un éventuel
effondrement du PQ ou de la CAQ amènera une migration de 30% de l'électorat en
faveur de l’autre parti, ce qui explique pourquoi le PQ continue son virage à
droite malgré la frustration de sa frange militante « progressiste et
indépendantiste ». Ainsi, la stratégie identitaire et le
réalignement populiste du PQ auraient pour objectif de courtiser
la base sociale et électorale de la CAQ, malgré les divergences idéologiques
entre ces deux partis. Nous reviendrons sur la tension entre souverainisme et
autonomisme, car la mise en place d’une vision commune pourrait surmonter ces
contradictions et favoriser la formation d’un nouveau bloc historique.
Selon Gramsci, chaque classe sociale possède un seul parti qui représente la
conscience de cette classe, bien qu’il puisse y avoir plusieurs partis
indépendants défendant les intérêts complémentaires d’une même classe. Ces
derniers peuvent être en compétition, diverger sur des intérêts secondaires et
les moyens les plus aptes pour les favoriser, mais il n’en demeure pas moins
que ces diverses entités forment en réalité une unité objective. « La
vérité théorique selon laquelle chaque classe a un seul parti, est démontrée,
dans les tournants décisifs, par le fait que les regroupements divers qui tous
se présentent comme parti « indépendant » se réunissent et forment un
bloc unique. La multiplicité qui existait auparavant était uniquement de
caractère « réformiste », c’est-à-dire qu’elle concernait des
questions partielles ; en un certain sens, c’était une division du travail
politique (utile, dans ses limites) ; mais chacune des parties
présupposait l’autre, au point que dans les moments décisifs, c’est-à-dire
précisément quand les questions principales ont été mises en jeu, l’unité s’est
formée, le bloc s’est réalisé » [3]
Si une coalition entre le PQ et la CAQ est logiquement possible, la question reste
de savoir si elle est réellement
accessible à court ou moyen terme, compte tenu de l’histoire, des écarts
programmatiques et des rivalités pratiques entre ces deux organisations. Nul
ne sait encore si le PQ et la CAQ finiront par s’unir pour former un seul parti
de droite nationaliste, ou s’ils continueront de s’entre-déchirer pour répondre
aux intérêts contradictoires d’une même base sociale. Il n’en demeure pas moins
que les deux partis auraient objectivement intérêt à s’allier en vue des
élections de 2018. Bien que l’élection de PKP à la tête du PQ pourrait
théoriquement suffire à supplanter le Parti libéral du Québec [4] il n’en
demeure pas qu’une coalition avec la CAQ permettrait d’obtenir une écrasante
majorité. Comme François Legault a déjà annoncé qu’il quitterait la vie
politique s’il ne gagne pas en 2018, il aurait grandement avantage à envisager
une alliance s’il désire vraiment prendre le pouvoir et ne pas voir son parti
mangé par le PQ revampé par l’effet PKP qui attire tous les regards [voir vidéo]. Le tandem entre les deux hommes
d’affaires représente-t-il une idée farfelue ou une possibilité réelle ?
Gouvernement de coalition et
souveraineté culturelle
Tout porte à croire qu’un tel scénario pourrait bientôt voir
le jour, d’autant plus qu’une alliance entre le PQ et la CAQ aurait pu survenir
il y a deux ans, bien avant l’arrivée de PKP. « Au lendemain de l’élection du
gouvernement minoritaire de Pauline Marois en septembre 2012, Jean-François
Lisée a proposé la formation d’un gouvernement de coalition où François Legault
et Jacques Duchesneau, de la Coalition avenir Québec, et Françoise David, de
Québec solidaire, auraient siégé au Conseil des ministres. […] Pour former ce gouvernement de coalition,
Pauline Marois aurait offert le poste de ministre de l’Économie à François
Legault — « il demanderait aussi les Finances, on négocierait », avance
l’auteur —, celui de ministre de l’Intégrité à Jacques Duchesneau et celui des
Affaires sociales à Françoise David. De plus, un ou deux autres députés
caquistes auraient obtenu un portefeuille. Renouvelable,
l’entente se serait étendue sur deux ans (ou deux budgets). En échange, « la
CAQ s’engagerait à nous laisser l’initiative référendaire » et à
accepter la tenue d’un référendum, quitte à rejoindre le camp du Non. « Legault
aurait-il accepté ? […] Difficile à dire. […] Mettre en
balance des années d’opposition stériles à venir et le poste qu’il convoitait
depuis 10 ans — ministre de l’Économie — l’aurait conduit à une réelle
réflexion. Je pariais aussi que Duchesneau serait très favorable à un accès
rapide au pouvoir. » [5]
Si l’invitation de Françoise David à participer à ce gouvernement
demeure symbolique voire méprisante, celle-ci étant appelée à s’occuper des
pauvres pendant que Legault aurait le volant sur l’économie ou les finances
publiques, Lisée voyait dans cette coalition la possibilité de surmonter la
faible popularité du PQ dans l’opinion publique en cooptant les piliers de la
CAQ. Or, la question délicate du référendum sur la souveraineté politique
du Québec aurait été un repoussoir pour la formation autonomiste de Legault ;
il fallait donc trouver un terrain d’entente, un cessez-le-feu sur cet enjeu
polarisant, en mettant de l’avant une proposition consensuelle entre les deux
partis. C’est ici que le deus ex machina fait son entrée : la souveraineté
culturelle. Cette pièce stratégique préconisée par plusieurs acteurs clés
(Curzi, Lisée, Legault, Bock-Côté et PKP), représente la pierre angulaire d’une
éventuelle coalition PQ-CAQ.
Quelques mois
après son départ du PQ, l’ex-député Pierre Curzi critiqua la mollesse de la CAQ
sur la question constitutionnelle et fit quelques suggestions à M. Legault. « Si
j'étais un vrai autonomiste et non un nationaliste très mou comme la plupart
des caquistes, je proposerais aux Québécois un référendum sur les quelques
points d'autonomie précis à aller arracher au gouvernement fédéral. […] Je demanderais aussi aux Québécois
s'ils veulent la souveraineté culturelle, c'est-à-dire tous les pouvoirs en
matière de langue, d'immigration, de télécommunications et de culture. Les
sondages nous disent que plus de 75% des Québécois sont d'accord. Le Québec
ferait inévitablement des gains puisque le Canada serait obligé de négocier de
bonne foi et aussi parce que le négociateur québécois s'appuierait sur une
majorité claire. » [6]
Un plus grand
contrôle du Québec sur ces domaines névralgiques pourrait ainsi être revendiqué
à la fois par les autonomistes et les souverainistes, les premiers y voyant une
manière de défendre le caractère distinct de la société québécoise sans
s’embourber dans les débats sur l’indépendance, les seconds y trouvant une
occasion de provoquer une nouvelle crise constitutionnelle favorable à la
remontée de l’option souverainiste dans l’opinion publique. Tel était
l’objectif de la proposition avortée du gouvernement de coalition de
Jean-François Lisée. « Le
conseiller préconisait « un calendrier d’action rapide »
pour la tenue d’un référendum sectoriel sur la souveraineté culturelle. Lisée
écrit qu’il est arrivé à la même conclusion que le sondeur du PQ, Pierre-Alain
Cotnoir : « La seule approche susceptible d’avoir l’effet
escompté, c’est-à-dire de faire tomber les masques et révéler le vrai visage du
Canada, passe par des actions politiques débouchant sur un affrontement avec Ottawa,
par un moment de vérité, par une crise politique dont nous aurions commandé les
tenants et les aboutissants. » [7]
La stratégie de la souveraineté culturelle n’est pas propre
à certains ténors péquistes, car elle vient récemment d’être intégrée à la
vision officielle de la CAQ. À première vue, Legault semble réitérer le mantra
du nationalisme autonomiste de la défunte ADQ, reformulé sous l’expression de
« nationalisme d’affirmation ou d’ouverture », cherchant une
troisième voie entre le « fédéralisme mou »
du PLQ et le « pays imaginaire » du PQ. Il s’agit de surmonter le
clivage sur la question nationale en misant sur le redressement économique, la
résolution de la question constitutionnelle étant repoussés aux calendes
grecques. Or, si Legault répète qu’il «
n’y aura jamais de référendum sur la souveraineté avec un gouvernement de la
CAQ »,
il rompt avec l’attentisme de son parti sur la question culturelle en ouvrant
la porte à la revendication de nouvelles compétences.
« Dans l’incapacité de négocier « quoi que ce soit » avec Ottawa sur le terrain constitutionnel, le gouvernement du Québec devrait à ses yeux se battre sur deux fronts: la langue et l’immigration. Il doit détenir les « pleins pouvoirs » dans ces deux champs. « M. Couillard n’a fait aucune demande concernant entre autres la langue et l’immigration », mais « il a déjà évoqué à quelques reprises […] la possibilité de signer la Constitution canadienne ». « Si demain matin, on dit le Québec — parce qu’il est le seul État qui représente une majorité de francophones en Amérique du Nord — a tous les pouvoirs en matière de langue, a tous les pouvoirs en matière d’immigration, je pense que ça vient asseoir notre nation sur du solide », a-t-il souligné aux journalistes. Le gouvernement du Québec doit avoir en main « tous les pouvoirs » en matière de sélection des immigrants afin de « protéger » le « caractère distinct » de la société québécoise, a soutenu M. Legault à l’occasion du discours de clôture du 1er congrès de la CAQ, dimanche midi, dans un centre des congrès de Trois-Rivières. » [8]
« Dans l’incapacité de négocier « quoi que ce soit » avec Ottawa sur le terrain constitutionnel, le gouvernement du Québec devrait à ses yeux se battre sur deux fronts: la langue et l’immigration. Il doit détenir les « pleins pouvoirs » dans ces deux champs. « M. Couillard n’a fait aucune demande concernant entre autres la langue et l’immigration », mais « il a déjà évoqué à quelques reprises […] la possibilité de signer la Constitution canadienne ». « Si demain matin, on dit le Québec — parce qu’il est le seul État qui représente une majorité de francophones en Amérique du Nord — a tous les pouvoirs en matière de langue, a tous les pouvoirs en matière d’immigration, je pense que ça vient asseoir notre nation sur du solide », a-t-il souligné aux journalistes. Le gouvernement du Québec doit avoir en main « tous les pouvoirs » en matière de sélection des immigrants afin de « protéger » le « caractère distinct » de la société québécoise, a soutenu M. Legault à l’occasion du discours de clôture du 1er congrès de la CAQ, dimanche midi, dans un centre des congrès de Trois-Rivières. » [8]
Ce repositionnement idéologique plaît évidemment à
certains adeptes du nationalisme conservateur comme Mathieu Bock-Côté, qui y
voit l’occasion de ranimer le débat identitaire en coupant les ponts pour de
bon avec le « folklore gauchiste radical » de Québec solidaire et la
« social-démocratie en déroute ». En écartant l’option de l’alliance
à gauche, l’impasse du mouvement souverainiste l’oblige à emprunter la seconde
voie, celle d’un « vrai virage nationaliste. Mais, dans ce cas, parler de
souveraineté avec un haut-parleur ne suffira pas. Il faudra miser sur
l’identité ! Au programme : langue, laïcité, immigration,
enseignement de l’histoire et démocratie. Par exemple, il doit faire de la
lutte pour la francisation de Montréal une priorité. De même, il doit se poser
comme l’adversaire des accommodements raisonnables multiculturalistes. Et
proposer une charte de la laïcité qui ne censure pas notre héritage catholique.
Il devrait aussi rajuster les seuils d’immigration selon nos capacités
d’intégration. Elles ne sont pas infinies. Les curés de la rectitude politique
l’insulteront ? La majorité silencieuse, elle, applaudira. » [9]
Si la forme initiale de la charte des valeurs québécoises
montra ses limites et l’échec stratégique de la « catho-laïcité »,
Bernard Drainville a annoncé qu’il présenterait une nouvelle mouture « plus souple et plus
consensuelle » de sa charte au début de l’année 2015, laquelle
« ressemblera à ce qu'il aurait proposé après discussion avec la CAQ s'il
n'y avait pas eu une élection au printemps » [10] Cette convergence sur
une charte 2.0 sera elle-même insérée dans une perspective plus large sur la
langue et l’immigration, d’autant plus que PKP appuie toujours le projet de la
charte et demeure proche des milieux nationalistes conservateurs. Par ailleurs,
le propriétaire de l’empire Quebecor sera particulièrement bien positionné pour
discuter des autres enjeux de la souveraineté culturelle comme la question
sensible des télécommunications. À l’heure du démantèlement de Radio-Canada, le
rôle névralgique de Quebecor dans l’industrie culturelle et l’espace médiatique
québécois lui permettra d’obtenir un rapport de force vis-à-vis Ottawa afin de
rapatrier les pouvoirs du CRTC au Québec. Après tout, nous pouvons reformuler
le célèbre adage de Charles Erwin Wilson (ancien président de General Motors) :
« What is good for Quebecor is good for Quebec and vice versa ».
Le post-souverainisme
Legault-PKP
Nous assistons présentement à l’épuisement idéologique
de l’option souverainiste. Élaboré comme une stratégie habile permettant de
réunir le nationalisme autonomiste et l’indépendantisme, la gauche réformiste
et la droite économique dans un même parti, le souverainisme appartient
maintenant au rêve d’une autre époque. Il ne s’agit pas d’affirmer que
l’indépendance du Québec devient un objectif superflu ou utopique, bien au
contraire ; mais elle ne peut plus être portée par l’ancienne vision du monde
qui la vu naître et son principal véhicule politique qui a atteint sa fin de
vie utile. Cela ne veut pas dire non plus que le PQ disparaîtra de la scène
politique, mais il devra changer de forme et de discours pour aspirer au
pouvoir. Ce constat n’est pas seulement partagé par la gauche radicale, mais
par Mathieu Bock-Côté qui y voit l’occasion d’une refondation idéologique du
nationalisme qui pourrait recevoir une nouvelle traduction politique. Il porte
à ce titre une attention particulière sur la nouvelle stratégie de Legault qui
définit un nationalisme post-souverainiste.
« François Legault veut désormais fédérer le vote
nationaliste et reléguer l’indépendantisme dans les marges de la vie politique,
où il serait condamné au statut de tiers-parti. Le nationalisme québécois s’est
défini principalement comme souverainisme depuis quarante ans. Il voudrait le
redéfinir comme autonomisme. Quoi qu’on en pense, c’est un pari tenable. Il
s’agit d’un positionnement optimal pour Legault, qui occupe ainsi le créneau
politique dominant au Québec : le nationalisme non-souverainiste (ce qui
ne veut pas dire fédéraliste) de centre-droit. J’avais constaté l’émergence de ce
courant politique dans Fin de cycle, surtout dans les deux premiers
chapitres. J’y montrais comment cette sensibilité était probablement
majoritaire au Québec mais ne parvenait pas à se traduire politiquement. Son
émergence politique dépend en fait de la liquidation du clivage
souverainiste-fédéraliste. […] Le nationalisme post-souverainiste à la Legault
s’inscrit moins dans une logique d’adhésion sentimentale au Canada que de
consentement à une situation historique où l’idéal d’indépendance entre
peut-être en dormance. […] Chose certaine, ce repositionnement stratégique sera
intéressant à suivre. » [11]
Si l’émergence politique du nationalisme post-souverainiste
à la Legault-Bock-Côté suppose la liquidation de l’antagonisme
souverainiste-fédéraliste, la figure PKP associée au poing levé indépendantiste
ne viendrait-elle pas entraver cette stratégie? Cette donnée compromettante
doit être prise en compte, d’autant plus que l’appui à l’indépendance n’a pas
le vent dans les voiles et que le clivage sur la question nationale nuit
fortement à Legault. « Après avoir bénéficié d'un buzz lié au
référendum écossais, selon M. Rivest, les intentions de vote en faveur du Oui
sont passées de 41 % le mois passé à 32 % ce mois-ci. Cette
polarisation entre fédéralistes et souverainistes est ce qui nuirait le plus à
la Coalition avenir Québec (CAQ) et à François Legault avec une victoire de M.
Péladeau à la chefferie. Bien avant la stature économique du député de
Saint-Jérôme, soutient M. Rivest. Lorsque l'enjeu référendaire refait surface,
la CAQ est souvent éclipsée. » [12]
On constate également que l’arrivée surprise de PKP lors
de la dernière campagne électorale et l’improvisation autour de la question
référendaire a directement nui au PQ et favorisé l’élection du PLQ. L’angoisse
existentielle du mouvement souverainiste vis-à-vis la stratégie référendaire
l’empêcherait-il pour toujours de redevenir une force politique? Est-on sur le
point de dépasser cette phobie découlant des deux traumatismes référendaires
afin de reparler de nationalisme et de souveraineté dans de nouveaux termes?
Toute la question est là : l’énigme de la course à la chefferie du PQ ne
consiste pas à savoir qui arrivera premier (tout le monde le sait depuis le
début), mais de découvrir comment se positionnera le nouveau chef par rapport
au référendum. Celui-ci aura-t-il lieu à la première, deuxième, troisième année
d’un premier mandat, en 2022, au moment opportun? La stratégie de PKP est
exemplaire à cet égard : ne voulant pas jouer toutes ses cartes
immédiatement, il crée un suspense afin de rallier les indépendantistes durs et
les moins pressés en laissant planer le doute sur son intention de passer à l’action.
Il préfère plutôt opter pour la pédagogie et mettre entre parenthèse les
modalités référendaires pour ne pas donner de munitions à ses
adversaires :
« J’ai l’intention de parler
de souveraineté [principalement]. D’avoir une approche
pédagogique, didactique, d’expliquer… Le référendum est une modalité, la
souveraineté est essentielle. » […] Contrairement à plusieurs de ses collègues-adversaires,
M. Péladeau n’entend pas dire à quel moment il souhaiterait tenir un
référendum. Du moins, pas pour le moment. « À la veille de l’élection [de
2018], je pense qu’on va être en mesure de faire en sorte de déterminer ma
position sur le référendum », a-t-il indiqué. Le PQ a « quatre années
pour faire un exercice d’explications qui va rapprocher les citoyens de la
politique, a mentionné Pierre Karl Péladeau. Les gens vont être en mesure de
mieux apprécier en quoi la souveraineté consiste et éviter qu’il y ait cette
adéquation entre souveraineté et référendum — comme ça s’est malheureusement
produit durant la dernière campagne électorale. » [13]
Il est intéressant de noter que PKP reprend l’idée de
SPST selon lequel il faudrait dissocier le mythe du Grand Soir référendaire et
la construction pratique de l’État-nation par une série de gestes concrets.
« Le référendum polarise autour du pays imaginaire – et se solde par son
rejet – plutôt que d’inaugurer une série d’actes d’État édifiant le pays
réel. » [14] Dans sa critique du
« référendisme » qui condamne le mouvement souverainiste à
l’attentisme et au provincialisme, SPST préconise de forger une « doctrine
de l’intérêt national » qui ne s’embourbe plus dans les tactiques
politiciennes, mais vise la réalisation d’une souveraineté de facto.
« La mutation de cette éventuelle doctrine en
politiques concrètes pourrait se décliner en mesures tout aussi diverses que
l’établissement d’une nouvelle Charte de la langue française, la création d’un
régime québécois d’assurance-emploi, l’intégration du ministère des Relations
intergouvernementales au sein d’un nouveau ministère des Affaires
internationales, la mise en place d’un rapport d’impôt unique, d’un Conseil de
la radio-diffusion et des télécommunications du Québec, etc. Des réformes
audacieuses des modes de production industrielle pourraient faire de lui un
chef de file dans un Occident qui peine à gérer sa démondialisation. Le tout
serait précédé d’une constitution et d’une citoyenneté québécoises qui
fixeraient le cadre de légitimité d’action de l’État québécois. » [15]
Dans une conférence donnée devant des étudiants de
l’Université de Montréal le 28 novembre 2014 [16], PKP fait la promotion de
l’accessibilité des études supérieures, de l’électrification des transports
comme projet structurant de l’économie québécoise, et référendums multiples
pour consulter davantage la population sur une foule de questions. La stratégie
de la souveraineté culturelle viendrait évidemment jouer un rôle clé sur ce
plan (langue, laïcité, télécommunications, culture), bien que l’immigration
reste un thème absent du discours de PKP pour l’instant. La pédagogie
post-souverainiste risque donc d’être présentée par une série d’exemples de
« gestes de reconquête ou de rupture », nouveau terme à la mode dans
les milieux nationalistes qui essaient de dépasser l’opposition entre élection
référendaire et étapisme.
Virage identitaire et nationalisme
autoritaire
La stratégie de la « souveraineté culturelle »
s’inscrit donc dans une reformulation idéologique du virage identitaire et du
nationalisme d’affirmation post-souverainiste, qui entend refonder l’État-nation
sur la réappropriation des pouvoirs permettant de protéger la culture de la
« majorité historique ». Autrement dit, l’alliance PQ-CAQ catalysée
par la direction hégémonique de PKP permettrait la réalisation pratique du
projet politique exprimé par les écrits de Mathieu Bock-Côté et le manifeste du
groupe Génération nationale. « L’idée
nationale doit prévaloir comme horizon de pensée. Génération Nationale
réaffirme la légitimité même de la majorité historique de se définir comme
référence culturelle. Notre statut de « petite nation » – dont l’existence même
n’est aucunement garantie à long terme – exige précisément une fermeté accrue
en matière d’affirmation identitaire. La nation se doit d’être le cadre de
solidarité et de protection de ses composantes, surtout à l’ère de la
mondialisation soi-disant immuable. » [17]
Contrairement aux apparences, le projet de charte des
valeurs n’est pas mort et enterré par le dernier échec électoral du PQ ; il
représente plutôt le prélude d’une stratégie générale basée sur une doctrine
jacobine de l’intérêt national. Dans un texte d’un collectif d’auteurs
réunissant SPST, Louise Mailloux, Tania Longpré et d’autres protagonistes de
cette mouvance, la laïcité représentait clairement un instrument de
réaffirmation culturelle. Notons que l’idée de « fermeté » est encore
au rendez-vous : « La
mise en place d’une charte ferme, mais juste, vise la cohésion sociale par la
cohérence institutionnelle, soit par la transformation de l’identité en
doctrine d’État, plaçant la culture de la majorité historique française au
centre de l’action gouvernementale - comme la loi 101 en a jadis été un jalon
majeur. Nos institutions doivent donc relayer ce qui unit l’ensemble des
composantes de la société, tout en constituant un lieu de convergence par
rapport à ce qui nous distingue et nous divise. » [18]
Cette vision de l’action politique, fondée sur le rôle
prédominant des acteurs et d’une volonté forte capable de redéfinir les règles
du jeu, amène une certaine fascination pour le pouvoir et les grandes figures
de l’histoire : Jules César, Charles de Gaulle, Jacques Parizeau, Pierre
Karl Péladeau, et même… Stephen Harper. SPST en fait même l’éloge en proposant
au mouvement souverainiste de s’en inspirer directement, non pas au niveau du
contenu, mais de la forme. « Le
PQ sera possiblement appelé à former le prochain gouvernement. Une chose est
certaine – et la dernière année nous l’a confirmé : aucun parti ne peut
tenir pour acquise sa victoire prochaine. Pour parvenir à prendre le pouvoir,
Pauline Marois, dont la force de caractère et la détermination ne sont plus à
prouver, devra s’inspirer des meilleurs, de ceux qui parviennent à gagner.
L’exemple le plus proche de nous est Stephen Harper. Je ne puis penser, en
Occident, à un meilleur exemple pour les souverainistes. Non pas qu’il faille
calquer intégralement le conservatisme canadien-anglais et le réformisme
albertain, non plus qu’il soit productif de traiter notre minorité anglophone
avec le mépris dont les québécois sont victimes sous la gouverne du PCC. Mais
Stephen Harper est un homme d’État et a le sens de l’État. Harper comprend
comme nul autre la politique. Le premier ministre du Canada est passé de
régionaliste de l’Ouest à nation builder
canadian. Tacticien et stratège hors pair, Harper tient ses promesses, et
rebâtit le vieux Canada anglais floué par les libéraux de Trudeau, un Canada
qui n’a pas peur d’embrasser toute sa dimension identitaire, historique,
britannique et même monarchique malgré le marécage du multiculturalisme imposé
par les trudeauistes. » [19]
Dans
un texte analysant le rôle symbolique de Lucien Bouchard et l’émergence du
populisme autoritaire en sol québécois [20], le concept gramscien de
« césarisme » servait à expliquer l’arrivée de figures
politico-médiatiques. Dans un contexte de crise (du mouvement souverainiste) et
d’équilibre des forces (entre le PQ et la CAQ), la fonction mythique de PKP
s’exprime par le fait qu’il est le seul
à pouvoir incarner ce rôle tragico-comique de cette situation historique. « Dresser un catalogue des événements historiques
qui ont culminé dans une grande personnalité « héroïque ». On peut
dire que le césarisme exprime une situation dans laquelle les forces en lutte
s’équilibrent de façon catastrophique, c’est-à-dire s’équilibrent de telle
façon que la poursuite de la lutte ne peut aboutir qu’à leur destruction
réciproque. Quand la force progressive A lutte contre la force régressive B, il
peut se faire non seulement que A l’emporte sur B ou B sur A, mais aussi que ni
A ni B ne l’emporte, mais qu’ils s’épuisent réciproquement et qu’une troisième
force C intervienne de l’extérieur et s’assujettisse à ce qui reste de A et de
B. […] Mais si le césarisme exprime toujours la solution par
« arbitrage », confiée à une grande personnalité, d’une situation
historico-politique caractérisée par un
équilibre des forces annonciateur de catastrophe, il n’a pas toujours la même
signification historique. Il peut y avoir un césarisme progressif et un césarisme
régressif et, en dernière analyse, ce n’est pas un schéma sociologique, mais
l’histoire concrète qui peut établir la signification exacte de chaque forme de
césarisme. » [21]
Il n’est donc pas étonnant que les nationalistes soient
susceptibles de chercher cette personnalité héroïque. Ce que SPST affirmait à
propos de Pauline Marois vaut a fortiori
pour PKP, qui représente son dauphin et le prolongateur tout désigné du virage
identitaire entamé par le PQ dès la crise des accommodements raisonnables et
l’arrivée en scène de Jacques Beauchemin en 2007 [22]. Il n’est pas non plus
étonnant que la stratégie de PKP s’inscrive dans la logique de la
« gouvernance souverainiste », mais dans une version plus affirmée
que sa prédécesseure qui l’enferma dans le provincialisme. « Dans un Québec en
manque en crise politique et en recherche de direction, la Dame de Béton a déjà
prouvé sa valeur personnelle, mais elle n’a absolument rien à perdre à faire le
pari de l’audace. Le mouvement souverainiste a déjà gaspillé assez de
conjonctures et d’occasions de sortir le Québec de sa torpeur. Pour être tout
simplement différent, il doit promettre autre chose que de la gestion à la
petite semaine. La « gouvernance souverainiste » a déjà le mérite de
rompre avec le fatalisme du « grand soir », mais elle serait futile
si elle ne savait s’inscrire que dans l’espace de la gestion provincialiste.
Contrairement au gouvernement libéral, qui a reculé devant le pouvoir de la rue
chaque fois qu’il a avancé une timide réforme, un gouvernement péquiste ne
devrait pas avoir peur des sondages, car il puiserait sa légitimité des urnes. »
[23]
Cet
accent mit sur une personnalité forte appuyée directement sur les masses par le
biais de sondages d’opinion et de consultations populaires est l’un des traits
du gaullisme, qui associe centralisation et démocratie plébiscitaire. S’il peut
être de gauche comme de droite en théorie, cette forme particulière de
populisme a tendance à prendre des traits conservateurs lorsqu’il s’inscrit
d’emblée dans une stratégie identitaire et un nationalisme qui renonce à la
souveraineté réelle (indépendance) pour se recroqueviller sur la souveraineté
culturelle (sphère symbolique de la majorité historique). C’est pourquoi nous
assistons à la transformation du péquisme en pé(k)pisme prenant la forme d’une
doctrine d’État fondée sur le national-populisme autoritaire.
Bouchard et le parti du 357c
Pour revenir au sujet principal de l’article qui consiste
à démontrer la rationalité politique d’une alliance entre le PQ et la CAQ dans
le contexte des années 2010, nous devons retracer le rôle d’un acteur
souterrain qui pourrait expliquer en partie l’émergence du parti de François
Legault et certaines reconfigurations de l’espace idéologique québécois. Si PKP
représente le visage sensible de cette nouvelle synthèse potentielle, le père
du nationalisme « lucide »,
Lucien Bouchard, aurait directement fomenté la création de la CAQ dans
les coulisses du célèbre club privé 357c, selon un article de deux journalistes
du Globe and Mail en 2011 qui semble corroboré par un article d’Alec Castonguay dans l’édition de
mai 2012 du magazine L’Actualité.
« In early 2010, at an exclusive private club in Old
Montreal, Lucien Bouchard met with his former prize recruit, François Legault,
to talk politics and the need for a new party in Quebec. The club, named 357c
for its 200-year-old address on rue de la Commune, bills itself as a place
where creative thinking can be conducted in “the utmost comfort and
discretion.” This occasion called for privacy. Mr. Bouchard, a former Parti
Québécois premier and an inspirational figure for pro-independence forces in
the 1995 referendum, had been out of politics for almost a decade and was
determined to stay out of the fray. Mr. Legault, a former minister recruited by
Mr. Bouchard in 1998, had resigned from the PQ just a few months earlier.
Experience drove them to the same conclusion: Quebec sovereignty was an
impossible dream and the PQ, while leading in the polls at the time, was
defending an option that was obsolete.
“I met Mr. Bouchard a few times over the past few years,
and we discussed a lot of things,” Mr. Legault recalled in an interview. “For a
few years now I witnessed a political vacuum in Quebec. It was only by default
that the PQ [in 2010] was ahead in the polls. … But I sensed that people had no
desire to decide between sovereignty and Canadian federalism.” Nearly two years
later, Mr. Legault leads an upstart party called the Coalition Avenir Québec
that swallowed up its right-of-centre rival this week. The new party was far in
the lead in recent polls – thanks, in part, to a promise to put sovereignty on
the shelf. The PQ is coming apart at the seams with constant leadership crises,
while the Bloc Québécois is a rump. Support for Quebec independence has slipped
as low as 33 per cent, below the 40 per cent long held as a floor. » [24]
Il faut noter qu’après son départ de la vie politique
« active » ou « officielle », Lucien Bouchard continua
d’influencer l’espace public québécois, non seulement par son rôle central dans
la filière des gaz de schiste, mais pour manigancer les courses à la chefferie
du PQ et la formation d’autres partis politiques. Comme le souligne Pierre
Dubuc, « Lors de la course à la direction du Parti Québécois de 2005, il
s’est associé à onze autres personnalités pour publier le manifeste Pour un
Québec lucide, dans le but d’influencer le cours des débats et favoriser
la candidature d’André Boisclair. Dès l’annonce de la démission de François
Legault des rangs péquistes, le 24 juin 2009, il se précipitait sur le téléphone
pour le joindre dans sa voiture durant le trajet Québec-Montréal afin de
l’inciter à créer un nouveau parti politique, comme nous l’apprenait le
journaliste Alec Castonguay dans l’édition de mai 2012 du magazine L’Actualité.
Aujourd’hui, à la veille du déclenchement d’une nouvelle
course à la direction du Parti Québécois, Lucien Bouchard reprend du service.
Il est au centre d’une nébuleuse où on retrouve, entre autres, la famille
Bédard du Saguenay, d’où Bouchard est originaire, et Pierre-Karl Péladeau avec
tout son réseau d’influence. Quel est l’objectif de cette nébuleuse? En
astronomie, on dit que les nébuleuses jouent un rôle clef dans la formation des
étoiles. Dans quel projet politique se cristallisera notre nébuleuse? Identifions
sur la carte du ciel quelques-uns de ses éléments. Rappelons d’abord que les
médias de Québecor et la maison de sondages Léger Marketing ont joué un rôle
clef dans l’ascension politique fulgurante de François Legault après son départ
du PQ. Des photos bien léchées de Legault et des résultats de sondage
favorables publiés à la Une du Journal de Montréal et du Journal de Québec le
catapultaient premier ministre avant même qu’il ait créé son parti! Aujourd’hui,
le sondeur Jean-Marc Léger confie à ceux qui veulent l’entendre qu’il est
favorable à une fusion de la CAQ et du Parti Québécois. Le programme commun
pourrait s’articuler autour des thèmes déjà mis de l’avant par la CAQ :
nationalisme économique et culturel, assainissement des finances publiques du
« Québec dans le rouge », et engagement à ne pas tenir de référendum
sur la souveraineté au cours des 10 prochaines années. » [25]
Qui plus est, l’alliance PQ-CAQ reproduit un scénario qui
a déjà reçu un appui populaire dans le passé, comme en témoigne un sondage
Léger Marketing datant de mai 2006 montrant qu’un parti dirigé par Lucien
Bouchard et Mario Dumont écraserait le PQ et le PLQ. Autrement dit, le tandem
PKP-Legault pourrait réaliser pratiquement dix ans plus tard le duo virtuel
Bouchard-Dumont. « La
moitié des Québécois souhaitent le retour de Lucien Bouchard en politique. Ils
seraient même prêts à l'appuyer massivement s'il formait avec l'actuel chef de
l'Action démocratique, Mario Dumont, un nouveau parti politique, laissant loin
derrière péquistes et libéraux. […] La domination de ce nouveau parti politique
se serait surtout fait sentir dans le centre de la province (58 %) et dans la
grande région de Québec (48 %), là où le Parti conservateur de Stephen Harper a
marqué des points lors des élections fédérales de janvier dernier. Selon le
sondeur Jean-Marc Léger, il faut y voir l'émergence, dans le sillage de M.
Harper, d'une éventuelle troisième voix au Québec. « Les gens cherchent
ailleurs. La voie alternative d'un parti conservateur québécois incarné par
Lucien Bouchard et Mario Dumont a de l'effet. C'est le courant nationaliste de
la droite modérée que, seul, Mario Dumont ne réussit pas à incarner. Mais avec
Lucien Bouchard, le tandem ramasse le Québec au complet », fait valoir M.
Léger. » [26]
Le culte de Bouchard représente la nostalgie d’un
césarisme québécois disparu qui pourrait revivre à travers la figure d’un
nouvel homme fort capable de remettre le Québec sur ses rails. Et le plus drôle
de cette histoire est que l’alliance potentielle entre le PQ et la CAQ, qui
pourrait même donner naissance à un éventuel parti nationaliste hégémonique
sous la direction de PKP, rassemble une constellation étroitement associée au
club 357c : Bouchard, Legault, Marois, Lisée. Bien que ce lieu soit
également fréquenté par des libéraux, hommes d’affaires et maffioso comme Jean-Marc Fournier, Line
Beauchamp, Pierre Moreau, Tony Tomassi ou Paolo Catania [27], il n’en demeure
pas moins que ce club sélect réunit une clique de politiciens et d’élites
économiques qui décident en secret de l’avenir du Québec.
C’est
pourquoi cette « caste » doit être nommée et identifiée comme
l’adversaire principal du peuple, sans quoi celui-ci serait peut-être prêt à
pactiser avec ceux qui l’exploitent et le dominent. Nous pouvons nommer
provisoirement « parti du 357c » l’ensemble de classe politique qui
rassemble le PLQ, le PQ et la CAQ, ou plus provisoirement le système
d’alternance qui opposera bientôt les libéraux à une éventuelle alliance sous
la bannière du pé(k)pisme. Étant donné que le clivage souverainiste-fédéraliste
sera liquidé dans les prochaines années, il nous restera l’alternative entre
l’austérité libérale et le national-populisme autoritaire… à moins que les
forces progressistes et indépendantistes prennent en considération cette reconfiguration
historique en proposant une troisième voie anti-système qui pourra tirer partie
de cette nouvelle donne.
[1] Simon-Pierre
Savard-Tremblay, Vers une
« révolution PKP » ?, Argument, 7 décembre 2014.
http://www.revueargument.ca/article/2014-12-16/623-vers-une-revolution-pkp.html
[2] Pierre-Dubuc,
Nomination de PKP à HQ : vers
la berlusconisation du Parti Québécois?, L’Aut’ journal, 19 avril 2013.
http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=4583
[3] Antonio
Gramsci, Œuvres choisies, Éd. Sociales,
Paris, 1959, p.218
[4] Guillaume
Bourgault-Côté, Péladeau ferait gagner le PQ, Le Devoir, 15 novembre 2014.
[5] Robert Dutrizac,
Lisée a proposé un gouvernement de coalition avec la CAQ, Le Devoir, 1er
novembre 2014.
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/422736/lisee-a-propose-un-gouvernement-de-coalition-avec-la-caq
[6] Pierre Curzi, Le
nationalisme mou de la CAQ, La Presse, 26 janvier 2012. http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201201/25/01-4489407-le-nationalisme-mou-de-la-caq.php
[8] Marco Bélair
Cirino, Le Québec devra signer la Constitution la tête haute, dit Legault, Le
Devoir, 2 novembre 2014.
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/422758/congres-de-la-caq-le-nationalisme-d-affirmation-pour-se-glisser-entre-le-plq-et-le-pq
[9] Mathieu Bock-Côté,
SOS PQ, Le Journal de Montréal, 19 janvier 2012.
http://www.journaldemontreal.com/2012/01/18/sos-pq
[10] Simon Boivin, Une
nouvelle mouture de la Charte début 2015, Le Soleil, 15 décembre 2014.
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201412/15/01-4828459-une-nouvelle-mouture-de-la-charte-debut-2015.php
[11] Mathieu
Bock-Côté, La CAQ, une nouvelle Union nationale ?, Le Journal de Montréal,
11 avril 2014.
http://www.journaldemontreal.com/2014/04/11/la-caq--une-nouvelle-union-nationale
[12] Simon Boivin, Sondage CROP-Le Soleil-La Presse: PKP,
favori des souverainistes, Le Soleil, 26 octobre 2014.
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201410/26/01-4812695-sondage-crop-le-soleil-la-presse-pkp-favori-des-souverainistes.php
[13] Guillaume
Bourgault-Côté, PKP parlera souveraineté, Le Devoir, 28 novembre 2014.
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/425277/peladeau-parlera-souverainete
[14] Simon-Pierre
Savard-Tremblay, Le souverainisme de
province, Boréal, 2014, p.139-140
[15] Ibid., p.220-221
[17] Manifeste de
Génération nationale, http://generation-nationale.org/2013/01/le-manifeste/
[18] Collectif
d’auteurs, Identité – La Charte des valeurs, étape cruciale de notre
réaffirmation culturelle, Le Devoir, 5 septembre 2013. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/386636/la-charte-des-valeurs-etape-cruciale-de-notre-reaffirmation-culturelle
[19] Simon-Pierre
Savard-Tremblay, Redéfinir l’indépendantisme, Vigile, 27 avril 2012. http://www.vigile.net/Redefinir-l-independantisme
[20] Enquête sur le
boucharisme, 17 juin 2013. http://ekopolitica.blogspot.ca/2013/06/enquete-sur-le-bouchardisme.html
[21] Antonio Gramsci,
Cahiers de prison, livre 13, §27
[22] Antoine
Robitaille, L’entrevue – Le « nous » c’est lui, Le Devoir, 23
septembre 2007. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/158085/l-entrevue-le-nous-c-est-lui
[23] Ibid.
[24] Rhéal Séguin, Les Perraux,
Sovereignty losing around in Quebec, The Globe and Mail, 16 décembre 2011.
http://www.theglobeandmail.com/news/politics/sovereignty-losing-ground-in-quebec/article534309/
[25] Pierre Dubuc,
C’est la rentrée politique, et quelle rentrée ! L’Aut’ Journal, 29 août
2014. http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=5464
[26] Kathleen
Lévesque, Sondage Léger Marketing -
Les Québécois veulent Bouchard, Le Devoir, 6 mai 2006. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/108582/sondage-leger-marketing-les-quebecois-veulent-bouchard
[27] Isabelle Richer, Le club 357c populaire chez
les politiciens, Radio-Canada, 28 novembre 2012. http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2012/11/28/004-club-prive-politiciens.shtml
Une union PQ-CAQ devient de plus en plus nécessaires pour déloger les libéraux une fois pour toute, la division des québécois a assez duré. La seule facon de reprendre le pouvoir c'est de s'unir contre ce parti d'opportuniste qui s'en mettent plein les poches et appauvrie tout le Québec.
RépondreSupprimerUne union PQ-CAQ, de la centre-gauche et de la centre-droite comme en ’76 avec Lévesque et Bourgault, devient de plus en plus nécessaires pour déloger les libéraux une fois pour toute et faire l’indépendance du Québec. La division des québécois a assez duré ! La seule façon… c'est de s'unir contre ce parti d'opportuniste qui s'en mettent plein les poches et appauvrie tout le Québec.
Effectivement... la gauche absolutiste de QS est le 2% qui nous fait perdre de 10 à 15% à la centre-droite (CAQ) (jeunes et vieux) pour faire l’indépendance!
« Qu’on cesse de Tataouiner! » - Jacques Parizeau
40%-2%+15%=53%
Comme à l'époque de René Lévesque-Pierre Bourgault!
PKP est la clef!
PKP attire un caquiste sur deux !
Pour moi, c’est simple! C’est un pays que je veux!!!!
https://www.facebook.com/#!/campduoui/photos/a.104549863048968.153.102161909954430/210843189086301/?type=1&theater
Vous me faites rire, une alliance entre le PQ et la CAQ ne ferait que nous éloigner encore plus de l'indépendance. Chaque virage à droite du PQ jusqu'à maintenant n'a fait que reculer l'adhésion à l'indépendance. Le nombre d'indépendantiste est en baisse actuellement, surtout depuis le virage identitaire du PQ avec sa charte des valeurs. Ensuite, l'électorat de la CAQ n'est pas si à droite que cela.
Supprimerhttp://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2014/201208/24/01-4567768-la-caq-ratisse-a-gauche-et-a-droite.php
En réalité, l'aile la plus volatile au sein de l'électorat de la CAQ est plus à gauche que le PQ lui-même, car le PQ actuellement cherche à séduire la partie la moins volatile de l'électorat de la CAQ qui est à droite et qui représente l'ADQ dont la majorité d'entre eux sont issu du PLQ. C'est comme si le PQ cherchait une alliance avec le PLQ.
La partie volatile de l'électorat de la CAQ est foncièrement à gauche, mais elle est tellement apolitique qu'elle vote pour la CAQ que par dégoût des nombreux virage à droite du PQ. Le vide politique est à gauche, il n'est pas à droite, mais comme la majorité des gens ne lisent pas les programmes, ils votent plus contre un parti que pour un parti et ils ont voté contre le PQ en votant pour la CAQ.
Très intéressant. Il.faut aussi aller chercher les jeunes en leur proposant d'écrire une nouvelle constitution qui refléterait l'avenir du Quebec
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