SOS PKP !
« Là où croît le péril, croît
aussi ce qui sauve », disait le poète allemand Hölderlin. Il en va ainsi
du mouvement souverainiste, qui attendait un sauveur pour relancer le Parti
québécois après l’une des pires défaites de son histoire. Comme le souligne
Gramsci, « le
césarisme exprime toujours la solution par « arbitrage », confiée à
une grande personnalité, d’une situation historico-politique caractérisée
par un équilibre des forces annonciateur
de catastrophe ». On aurait donc tort de déclarer la fin de vie utile d’un
véhicule politique à cause d’un diagnostic prématuré sur l’issue d’une crise,
car celle-ci peut être le signe du crépuscule d’une certaine idée de la
souveraineté et l’aube d’un nouveau projet. Contre ceux qui croient naïvement que
Pierre Karl Péladeau est une coquille vide qui n’a pas de stratégie, ils
oublient la première leçon fondamentale de l’action politique : nos
adversaires ont toujours un plan
derrière la tête.
Même si la course à la chefferie du
PQ est politiquement terminée, comme le souligne Jean-François Lisée, cela ne
veut pas dire qu’il faille rester les bras croisés et regarder tranquillement
un film dont nous connaîtrions déjà le dénouement ; l’intrigue commencera
réellement après la course, et c’est
pourquoi nous devons nous préparer en anticipant les péripéties qui ne
manqueront pas de survenir. La politique comme art stratégique doit être
comprise comme un incessant travail d’anticipation, et PKP vient de dévoiler
une partie de son jeu en mettant ses premières cartes sur table avec la
publication de son texte Préparer le pays pour Réussir. La déduction des cartes restantes est primordiale, car le
futur chef a plus d’un tour dans son sac.
Un
renouveau stratégique
Première surprise : après
s’être montré réticent à tenir un référendum dès le premier mandat et martelé
qu’il fallait éviter les débats abstraits sur l’échéancier référendaire pour parler
davantage de souveraineté, il cherche lors des prochaines élections
à « obtenir le mandat de réaliser concrètement l’indépendance du
Québec. » Fait intéressant à noter : il n’y a aucun engagement à
déclencher une démarche référendaire, même s’il précise qu’il souhaite réaliser concrètement l’indépendance du
Québec. Il n’y là aucune contradiction, car PKP vient de liquider la stratégie
référendaire au profit de la stratégie des actes
de rupture, théorisée notamment par Simon-Pierre Savard-Tremblay dans son
livre Le souverainisme de province.
SPST
critiquait la gestion provincialiste du PQ découlant de la stratégie étapiste
initiée par Claude Morin en 1973, virage qui consistait à séparer l’élection
d’un « bon gouvernement » et la tenue éventuelle d’un référendum. À
l’origine, l’objectif du PQ était de fonder une république et considérait le
référendum non pas comme la pièce centrale ou la voie obligée de l’accession à
l’indépendance, mais plutôt comme un élément parmi d’autres d’une vision
d’ensemble, la culmination plutôt que le début d’un processus. Paradoxalement, l'étapisme substitua la construction progressive du
pays réel à l'attente d'un pays imaginaire à venir. « Nous verrons que
c'est bien l'étapisme qui transforma l'indépendance en événement alors qu'il
s'agissait auparavant d'un processus. Il n'y avait, dans les documents
péquistes pré-1974, aucune croyance en un providentiel « Grand Soir »
où l'indépendance se réaliserait instantanément. Par contre, il n'était
aucunement question de séparer l'exercice du pouvoir et la construction
effective du pays québécois. […] La stratégie de l'étapisme fait plutôt reposer
tous les espoirs sur la seule consultation référendaire, dont l'issue sera
déterminante pour l'avenir collectif. C'est donc plutôt la croyance illusoire
en l'imaginaire du « Grand Soir », qui relève de la pensée
magique. » [1]
Contre l'idéalisme de cette approche qui
s'avéra perdante à deux reprises en 1980 et 1995, notamment parce qu'elle
change l'action politique en une affaire de communication publique, de sondages
d'opinion, de bonne gestion et de manœuvres politiciennes, il s'agit de revenir
à une perspective qui entend fonder, de manière graduelle mais décomplexée, les
bases concrètes d'un nouvel État. « Tout bien considéré, l'étapisme porte
très mal son nom : plutôt que de poser l'existence d'étapes concrètes dans
la définition et la construction de l'État-nation, il inscrit l'indépendance
dans le registre de l'Idéal. Après plusieurs années d'administration de la
province, il ne suffira qu'une trentaine de journées référendaires – et d'une
brillante joute oratoire – pour convaincre la majorité de voter en faveur du
« oui ». Le référendum polarise autour du pays imaginaire – et se
solde par son rejet – plutôt que d'inaugurer une série d'actes d'État édifiant
le pays réel. […] La seule démonstration convaincante est dans l'effectif, dans
l'établissement, dès l'élection, des bases de l'État indépendant, comme les
premiers programmes péquistes le prônaient. »[2]
Autrement
dit, le plan de PKP consiste ni plus ni moins à revenir à la stratégie initiale
du PQ en remplaçant l’hystérie référendaire par l’idée de l’indépendance-processus. Comme il le
souligne, « l’indépendance n’est
pas une date sur le calendrier, c’est une réalité à construire, une pratique à
adopter ». Il faut remarquer ici la
continuité et la rupture entre
l’approche de la « gouvernance souverainiste » et la perspective des
actes de rupture préconisée par PKP. SPST remarque à juste titre que l’ancienne
cheffe du PQ visait déjà à dépasser le carcan référendaire, sans qu’elle soit
capable de dépasser le « souverainisme de province ». « Pauline Marois
voulait rompre avec la chimère du référendum miraculeux et des sempiternels
débats sur la mécanique qui lassent le citoyen. Elle proposait que le PQ se
convertisse à la « gouvernance souverainiste », soit une action
effective de l’État en faveur du parachèvement du pays réel. Le virage n’a
malheureusement été que symbolique : le PQ, sous Marois, n’a pas été
différent de ce qu’il était sous ses prédécesseurs et n’a jamais su rompre avec
l’horizon provincial, dans l’opposition comme au cours de son bref séjour au
pouvoir. »[3]
L’indépendantisme
de PKP peut donc être conçu comme une « gouvernance souverainiste »
plus musclée et virile, qui dépasserait le stade symbolique pour entrer dans
une logique offensive de conquête de nouveaux pouvoirs, en plantant des jalons
sans attendre la « chimère du référendum miraculeux ». Pour ce faire,
il faut jeter les bases d’un projet de pays en analysant minutieusement et
diffusant largement les différentes dimensions d’une société à bâtir. « À cette fin, il sera utile de se doter d’un puissant instrument de
recherche et de réflexion sur l’indépendance du Québec qui s’intéressera aux
questions de contenu, de communication et d’organisation. De telles recherches
et analyses porteront sur les multiples dimensions du projet de pays, et en
particulier sur la souveraineté alimentaire, culturelle, fiscale,
internationale et territoriale. »
Pourquoi
un autre Institut de recherche?
Pour
opérationnaliser cette préparation du projet de pays, PKP entend créer un « Institut québécois de recherche appliquée sur
l’indépendance dont le mandat sera d’effectuer des études, visant à démontrer
les avantages concrets de l’indépendance, à identifier les pertes causées par
le régime canadien et à identifier les gestes devant conduire à l’indépendance
du Québec. » On remarque encore une fois l’idée qu’il faut faire ardemment
la promotion de l’indépendance avant de se mettre les pieds dans les plats
référendaires, de démontrer l’avantage économique de l’indépendance pour les
gens ordinaires, et de déterminer les gestes de rupture, « une série d'actes
d'État édifiant le pays réel ».
La principale fonction de cet Institut
de recherche consiste à consolider l’hégémonie de PKP sur les intellectuels
souverainistes. Certains souligneront qu’il existe déjà des groupes de la
société civile qui remplissent cette fonction de recherche fondamentale, comme
Les intellectuels pour la souveraineté (IPSO), la Société Saint-Jean-Baptiste,
l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) et la nouvelle coalition
des Organisations unies pour l’indépendance (OUI Québec), et qu’il faudrait plutôt
travailler avec les forces existantes. C’est là ignorer la stratégie évidente
de PKP qui consiste à ramener les intellectuels sous son giron, c’est-à-dire à
faire travailler les forces idéologiques sous sa gouverne personnelle. En
observant l’enthousiasme de certains professeurs et chercheurs, il ne fait pas
de doute que la puissance du futur dirigeant qui sera à l’écoute de ses fidèles
conseillers exercera une grande séduction sur l’intelligentsia.
« L’Institut québécois de recherche
appliquée sur l’indépendance s’imposera comme un « instrument puissant de recherche au service de l’idée
d’indépendance, du projet d’indépendance », a fait valoir le
directeur du contenu de la campagne de PKP, Daniel Turp. « C’est une voie intéressante pour des
chercheurs qui veulent vraiment démontrer que le Québec est viable. On l’a
toujours dit. On l’a toujours dit, mais là on va le prouver encore, mais de
façon encore plus convaincante », a-t-il affirmé aux journalistes.
Le constitutionnaliste a l’assurance que les efforts déployés par l’équipe de
chercheurs contribueront à accélérer la cadence vers le pays du Québec. « Des documents, c’est utile quand la
personne qui les a commandés […] a
la volonté de faire le pays. […]. Moi,
je pense que c’est assez clair que Monsieur Péladeau, s’il est chef, veut faire
l’indépendance », a-t-il conclu. »[4]
Alors que le PQ était en panne d’idées
depuis de nombreuses années et que la société civile commençait à prendre le
relais des partis politiques dans la mobilisation, la fabrication du discours
et la production des argumentaires, ce nouveau think tank permettra de concentrer dans un même laboratoire de
recherche la crème des cerveaux souverainistes afin de redonner à PKP un
« leadership moral et intellectuel » sur un mouvement en panne de
repères. Ce cercle de réflexion ne sera évidemment pas élu démocratiquement,
mais représentera une garde rapprochée de volontaires-experts qui pourront
élaborer en privé les recettes magiques du parti. Autrement dit, avant de mener
une guerre de mouvement qui consiste
à conquérir rapidement le pouvoir d’État, PKP mènera une guerre de position,
c’est-à-dire une lutte idéologique opérant au sein de la société civile
par la construction du consentement populaire à son projet de pays, une « nouvelle vision du monde »
élaborée par une expertocratie travaillant à son service personnel.
Recoller les morceaux du
bloc historique
Le PQ se mettra donc en mode
« propagande » dès 2015, et déterminera quelle sera la stratégie
définitive à l’aube des élections de 2018 en fonction des suggestions des
experts. PKP emprunte donc l’attitude du nouveau Bloc québécois de Mario
Beaulieu qui consiste à mener une lutte idéologique permanente pour
l’indépendance, mais en y ajoutant l’artillerie lourde du milliardaire, de son
équipe d’experts et de son parti. « Dans cette perspective, la promotion
de l’indépendance ne doit plus être pas traitée comme un enjeu distinct de
l’action quotidienne du Parti Québécois, mais doit servir de grille d’analyse
dans l’évaluation de l’ensemble des politiques de l’État du Québec. »
Cette promotion déterminée du projet indépendantiste ne se limitera pas à
l’action d’un seul parti, mais débordera du PQ pour tisser des collaborations
plus étroites avec diverses organisations. Ainsi, PKP s’engage à « entreprendre
un dialogue avec l’ensemble des partis et mouvements politiques et
organisations de la société civile ».
Ce faisant, le PQ cherche à redevenir le
« navire amiral du combat pour faire du Québec un pays » qu’il
« a été, est et devra demeurer ». Si la crise de leadership de
Pauline Marois en 2011 amena la création de différentes initiatives citoyennes
et politiques qui ont essayé de porter le projet indépendantiste hors du navire
amiral pendant un certain temps, comme par exemple le Nouveau mouvement pour le
Québec (NMQ), les États généraux sur la souveraineté et Option nationale, ces
derniers seront invités à participer à une « stratégie commune et mettre en
œuvre une campagne immédiate et permanente du
Parti Québécois et de l’Opposition officielle en faveur de l’indépendance. »
Autrement dit, alors qu’une pluralité de groupes de la société civile étaient
en train de prendre le lead politique
et idéologique du mouvement souverainiste que le PQ avait perdu ces dernières
années, la situation sera maintenant renversée. Les flottilles seront appelées
à opérer la grande « convergence nationale » dans un parti unique,
sous la bonne gouverne d’un nouveau capitaine qui saura amener le navire amiral
à bon port. L’hégémonie de PKP sur le Bloc, le NMQ, le OUI Québec et Option
nationale permettra de recoller les morceaux du « bloc historique »
du mouvement souverainiste qui entra en crise en 2011.
Des acteurs déstabilisés
Devant
cette reconfiguration des forces souverainistes qui prendra forme dans les
prochains mois, comment se positionneront les autres joueurs? À l’interne, les
autres candidat(e)s de la course à la chefferie auront peu de minutions face à
leur adversaire. PKP devancera Bernard Drainville sur son propre terrain en
parlant d’indépendance non pas dans un premier mandat mais avant 2018, en réalisant concrètement l’indépendance du Québec sans
s’engager à tenir un référendum. Tour de force. PKP répliquera ensuite aux
attaques de Martine Ouellet et Alexandre Cloutier qui lui reprochent son flou
artistique sur sa démarche en les accusant de s’embourber dans la mécanique
référendaire et d’attendre le « Grand soir », alors que lui posera
les jalons du pays réel dès son arrivée au pouvoir. Il sera certes critiqué
pour ses élans anti-syndicaux et les problèmes éthiques soulevés par l’Empire
Québecor, mais il aura le consentement d’une horde d’intellectuels qui voudront
travailler pour lui à son Institut de recherche ; le Prince a maintenant ses
conseillers. Ainsi, PKP ne va pas gagner la course à la chefferie du PQ
uniquement parce qu’il aura été l’homme jouissant du plus grand capital
économique et médiatique, mais parce qu’il aura en sa possession la meilleure
stratégie politique pour mettre ses adversaires K.O. et aspirer sérieusement à
gouverner le Québec en 2018. La course à la chefferie du PQ est idéologiquement terminée.
De son côté, Couillard essaie déjà de
montrer que PKP fait un cadeau aux libéraux en s’engageant fermement à faire
l’indépendance dans un premier mandat. « C'est un concours entre les candidats pour
savoir lequel est le plus radical pour la séparation du Québec,
a-t-il dit. La
question c'est: référendum, souveraineté, séparation, ça va être ça. Là, ils
vont dire: "Non, non, non, non. Ce ne sera pas ça, ça va être autre
chose." Non, non. C'est ça la question déjà pour 2018. Alors, formidable! »[5] Or, même si le PLQ prétendra que le PQ s’engage à
tenir un référendum, PKP aura toute la facilité du monde à montrer qu’il ne
tiendra pas
de référendum mais essayera de donner de nouveaux pouvoirs au Québec dans une
foule de domaines consensuels, comme la souveraineté alimentaire, culturelle et
fiscale. Comme une large partie de la société québécoise n’endosse pas un
fédéralisme militant mais plutôt un nationalisme autonomiste et un certain
conservatisme fiscal, le « projet de pays » élaboré par les experts
de l’Institut de recherche sera taillé sur mesure pour faire plaisir aux
Québécois. Une réaction forte aux mesures d’austérité du gouvernement libéral –
qui affecteront gravement l’économie québécoise dans les années à venir –
poussera sans doute une partie de la population à endosser des projets de
relance économique visant à combler l’insécurité des classes moyennes.
De son côté, la CAQ aura beaucoup de difficulté à se démarquer de la
nouvelle mouture du PQ et à contrer l’influence médiatique de PKP. Le réflexe
de François Legault sera peut-être d’attaquer l’intégrité morale de son
adversaire, mais sa position de faiblesse le poussera peut-être à essayer de
négocier une entente électorale. Comme il a été souligné dans un article précédent, l’idée de saucissonner la souveraineté en de multiples morceaux permettrait
de créer de nouvelles institutions publiques, d’exiger de nouvelles compétences
sur des secteurs particuliers comme les télécommunications et même de créer des
alliances entre la CAQ et PKP qui aura décidé de laisser de côté le casse-tête
référendaire. En effet, même s’il est trop tôt pour déterminer le degré de
probabilité d’une alliance potentielle entre les deux formations nationalistes
sur les bases de la souveraineté culturelle par exemple, l’abandon du
référendum ouvre la porte à des négociations avec des partenaires sur des
points précis. Comme « la démarche visant à conduire le Québec à
l’indépendance nationale » reste à « définir au terme des travaux de
recherche et de réflexion et avant la prochaine élection générale », PKP
peut nous réserver une suite banale, une main pleine ou une flush royale à
l’aube des élections de 2018.
De
son côté, Québec solidaire se retrouvera dans une situation délicate. S’il
refuse abruptement de participer à une stratégie
commune et à mettre en œuvre une campagne immédiate et permanente avec le Parti
Québécois et les autres organisations indépendantistes de la société civile, il
sera ipso facto marginalisé au sein du mouvement souverainiste en refusant une
campagne pluraliste pour le « OUI ». S’il accepte d’y participer,
alors il se retrouvera comme une flottille au sein d’une armée enthousiaste
sous la direction du capitaine du navire amiral. Il devra se positionner par
rapport aux différentes études de l’Institut de recherche appliquée sur
l’indépendance, et répondre plus rapidement et efficacement au PQ qui élaborera
son propre projet de pays d’ici les prochaines élections, avec de puissantes
ressources intellectuelles et financières. QS n’aura pas réussi à capter les
forces progressistes et indépendantistes d’Option nationale, qui retourneront
en majorité au sein du vaisseau mère. Comment élaborer une stratégie de gauche
indépendantiste efficace devant une telle situation?
À qui le Québec?
On
peut certes attaquer PKP sur le fait qu’il s’agit d’un grand patron
anti-syndical qui demeure propriétaire d’un grand empire médiatique, ou qu’il
appliquera sans doute des mesures d’austérité une fois au pouvoir parce qu’il
ne remet pas en question la logique néolibérale. Bien qu’il soit nécessaire
d’attaquer le PQ sur son flanc gauche, il n’en demeure pas moins que plusieurs
progressistes seront encore fascinés par la puissance du leader et
voudront un pays même s’il faut encore faire quelques « sacrifices »
pour la bonne cause. L’autre stratégie consiste à attaquer PKP sur la question
nationale. Or, comment proposer un contre-discours indépendantiste dans un
contexte où le PQ est en voie de redevenir le navire amiral du mouvement
souverainiste en proposant une campagne permanente pour l’indépendance et même
un projet de pays en prime?
Une
piste d’action consiste à poser la question suivante : qui
élaborera le projet de société, et à qui appartiendra le Québec? Aux
gens du pays ou bien à PKP? Aux Québécois et Québécoises, travailleurs et
travailleuses, gens des régions, citoyens et citoyennes, membres des communautés
culturelles et Premières Nations, ou bien aux élites politiques et économiques?
Le talon d’Achille de la stratégie de PKP réside précisément dans le mandat de
l’Institut de recherche appliquée sur l’indépendance dont les travaux « porteront sur la définition du pays, par l’élaboration d’une
Constitution québécoise provisoire et sur les modalités d’établissement et de
fonctionnement d’une Commission spéciale chargée de rédiger la Constitution
d’une République québécoise indépendante, de langue française et laïque. »
Ainsi, PKP ne proposera pas une simple Charte des valeurs québécoises version
Drainville, mais une Constitution provisoire élaborée en vase clos par les
conseillers de son groupe de réflexion privé, puis confiera la rédaction de la
Constitution d’une République indépendante à un comité spécial d’experts dont
il restera l’ultime maître.
Or,
la République repose sur le principe de la souveraineté populaire, le peuple
devant être l’unique auteur de sa propre Constitution. Ce n’est pas à une
petite élite de technocrates et de politiciens professionnels de rédiger les
bases du projet de pays, mais à une Assemblée constituante citoyenne et indépendante
des partis qui devra définir, à travers une large démarche de démocratie
participative, le statut politique du Québec, les valeurs, droits et principes
sur lesquels doit reposer la vie commune, ainsi que la définition de ses
institutions, les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur sont
délégués. Pour faire simple, ce n’est pas à un chef ou à un think tank
privé de définir le projet de pays que nous voulons, mais aux gens qui vont
l’habiter. À qui le Québec? À nous ou au 1%? Comme PKP a déjà commencé à
employer le langage de la souveraineté populaire et de la république, il est
urgent que la gauche ne laisse pas ses adversaires récupérer ces thèmes en les
vidant de leur sens. Le projet de pays doit être élaboré directement par les
citoyens et citoyennes, et non par un petit groupe d’intellectuels au service
d’un Prince.
[1]Simon-Pierre
Savard-Tremblay, Le souverainisme de
province, Boréal, Montréal, 2014, p.131
[2]Ibid.,
p.139-140
[3]
Ibid., p.208
Ton texte est génial, Jonathan. Il a l'avantage d'expliquer sans la déformer la vision de PKP et d'en montrer magistralement le talon d'Achille à la toute fin de l'article. Bravo et merci. Ça c'est éclairant.
RépondreSupprimerMoi, je n'ai pas de chef, je suis parfaitement capable de me gouverner moi-même. Mais je suis marginal et ce qui et vrai pour moi ne l'est pas nécessairement pour tout le monde. S'ils avaient été capables de se passer de chef, les êtres humains auraient amplement eu le temps de le faire depuis plus de deux mille ans qu'on parle de démocratie. Et ça me surprendrait qu'ils y parviennent d'ici les prochaines élections provinciales.
RépondreSupprimerDonc, ça prend un chef pour canaliser les énergies des gens qui ont besoin qu'on leur dise quoi faire, quand le faire, comment le faire et même pourquoi le faire.
Mais quelle sorte de chef sera-t-il ?
Un chef autoritaire, narcissique et capricieux ? ou un chef qui comprend que la musique c'est le résultat du jeu de tous les musiciens, pas seulement de celui du premier violon ?
J'espère que PKP sera assez intelligent pour ne pas faire un Duplessis de lui-même.
D'autre part, ce serait génial s'il parvenait à faire comprendre au monde que l'indépendance n'est pas une date sur le calendrier mais un état d'esprit.
Et parmi les premiers gestes qu'on pourrait poser pour affirmer notre souveraineté, serait que Québec décide d'assumer entièrement et complètement le financement de l'Observatoire du Mont Mégantic sans la moindre participation du fédéral. Si un jour, on devient un pays, il faudra bien l'assumer nous-mêmes, alors pourquoi pas dès maintenant ?
Comme le fédéral voulait en couper le financement, il serait mal venu de contester trop fort. Mais dès lors, l'Observatoire du Mont Mégantique deviendrait libre de montrer au monde entier le regard du Québec sur l'univers. Et cet observatoire est déjà un des plus beaux exemple de l'apport du génie québécois à la connaissance universelle.
Voilà ce que j'en pense, merci pour votre article très inspirant.